Les noms des trente mille dieux latins recueillis par Varron, ceux des Grecs non moins nombreux, formaient le vocabulaire divin de ces deux peuples. […] De même les premiers hommes, incapables de former l’idée abstraite du poète, du héros, nommèrent tous les héros du nom du premier héros, tous les poètes, etc. […] Quelque horreur que nous inspirent ces religions sanguinaires, n’oublions pas que c’est sous leur influence que se sont formées les plus illustres sociétés du monde ; l’athéisme n’a rien fondé. […] Ainsi se forma le caractère idéal de l’Hercule antique ; les héros étaient héraclides, enfants d’Hercule, comme les sages étaient appelés enfants de la sagesse, etc. […] Les plus forts auraient enlevé les plus belles, auraient ainsi formé les premières familles et fondé la première noblesse. 5º Il croit qu’à l’origine de la société, les hommes furent, non pas agriculteurs, comme l’ont cru Vico et Rousseau, mais chasseurs et pasteurs.
Depuis cinq mois, les esprits se sont éclairés, les intérêts respectifs ont été discutés, les ligues se sont formées. […] On rappelle les exploits de Mandrin en 1754756, sa troupe de cent cinquante hommes qui apporte des ballots de contrebande et ne rançonne que les commis, ses quatre expéditions qui durent sept mois à travers la Franche-Comté, le Lyonnais, le Bourbonnais, l’Auvergne et la Bourgogne, les vingt-sept villes où il entre sans résistance, délivre les détenus et vend ses marchandises ; il fallut, pour le vaincre, former un camp devant Valence et envoyer 2 000 hommes ; on ne le prit que par trahison, et encore aujourd’hui des familles du pays s’honorent de sa parenté, disant qu’il fut un libérateur Nul symptôme plus grave : quand le peuple préfère les ennemis de la loi aux défenseurs de la loi, la société se décompose et les vers s’y mettent Ajoutez à ceux-ci les vrais brigands, assassins et voleurs. « En 1782, la justice prévôtale de Montargis instruit le procès de Hulin et de plus de 200 de ses complices qui, depuis dix ans, par des entreprises combinées, désolaient une partie du royaume757. » — Mercier compte en France « une armée de plus de 10 000 brigands et vagabonds », contre lesquels la maréchaussée, composée de 3 756 hommes, est toujours en marche. « Tous les jours on se plaint, dit l’assemblée provinciale de la Haute-Guyenne, qu’il n’y ait aucune police dans la campagne. » Le seigneur absent n’y veille pas ; ses juges et officiers de justice se gardent bien d’instrumenter gratuitement contre un criminel insolvable, et « ses terres deviennent l’asile de tous les scélérats du canton758 » Ainsi chaque abus enfante un danger, la négligence mal placée comme la rigueur excessive, la féodalité relâchée comme la monarchie trop tendue. […] En attendant, ils sont transférés de brigade en brigade dans les prisons qui se trouvent sur la route, où ils séjournent jusqu’à ce qu’il en soit arrivé un assez grand nombre pour former un convoi. […] Et cependant, avec toutes ses rigueurs, la loi n’atteint pas son objet. « Nos villes, dit le parlement de Bretagne763, sont tellement peuplées de mendiants, qu’il semble que tous les projets formés pour bannir la mendicité n’ont fait que l’accroître. » — « Les grands chemins, écrit l’intendant, sont infestés de vagabonds dangereux, de gens sans aveu et de véritables mendiants que la maréchaussée n’arrête pas, soit par négligence, soit parce que son ministère n’est point provoqué par des sollicitations particulières. » Qu’en ferait-on, si elle les arrêtait ?
Elle est à peine commencée, et déjà il apparaît que les principaux passages des opuscules que l’on vient d’imprimer pour la première fois, sont allés se fondre dans le grand ouvrage, et y former, ici un alinéa, ailleurs un chapitre. […] Chacune de ces périodes a laissé son dépôt dans l’Esprit des Lois ; des pensées très hétérogènes, qui appartiennent à des états d’esprit inconciliables, y forment comme de : couches superposées, et d’autres fois se pénètrent, s’enchevêtrent s’amalgament. […] Il y introduit l’étude des tempéraments à la place de l’analyse des faits spirituels ; il met les nerfs à la place des passions de l’âme ; il baigne les individus dans les milieux qui les forment et les déforment. […] Il y vient lire son Dialogue de Sylla et d’Eucrate, où l’on voit d’une part le philosophe politique s’affranchir du moraliste psychologue que l’éducation du collège et des livres avait formé, et d’autre part s’affirmer la puissance de l’homme aux larges vues, créateur d’un ordre politique qui détermine l’histoire.