Mais l’existence de variations individuelles et de quelques variétés bien tranchées, bien que le fondement nécessaire de notre théorie, ne nous est cependant que de peu de secours pour expliquer comment les espèces arrivent à se former naturellement. […] On peut encore se demander comment les variétés, que j’ai nommées des espèces naissantes, se transforment plus tard en des espèces bien distinctes, qui, dans les cas les plus nombreux, diffèrent les unes des autres beaucoup plus que ne le font ordinairement les variétés d’une même espèce ; comment aussi se forment ces groupes d’espèces qui constituent ce que l’on appelle des genres distincts et qui diffèrent les uns des autres plus que les espèces de chaque genre ne diffèrent entre elles.
Si on songe, d’ailleurs, à cette orchestique, ou danse mêlée de chants, qui formait une des représentations de la scène antique, et si d’autre part on remarque, dans la liste non contestée des chants du poëte thébain, un ordre de poésies lié, sous le nom d’Hyporchèmes, aux danses religieuses et guerrières, on concevra sans peine que, dans la critique indigeste de Suidas, ce titre ait pu se confondre avec l’idée du drame orchestique, et que la mention en ait ainsi créé, par double emploi, un théâtre de Pindare dont l’antiquité n’avait pas ouï parler. […] C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux.
À elle appartenait ce premier âge des troubadours, qui sécularisa l’esprit en Europe, suscita devant l’Église une autre puissance d’opinion, commença le débat de la pensée libre contre le plus fort, et forma dans le midi de la France une race de chanteurs hardis et de poëtes populaires. […] Des pierres précieuses forment tout l’édifice ; un or pur, limpide comme le verre, jonche les rues de la cité ; nulle fange, nulle corruption, nulle impureté ne la souille. » Ad perennis vitæ fontem mens sitivit arida.