Nisard est une de ces rares constructions qui sont nées d’une idée, d’un dessein médité, et dont toutes les parties unies et conjointes, en parfait rapport entre elles, attestent la force de la conception, une exécution aussi ferme qu’ingénieuse, de grandes ressources de vues et d’aperçus, et une extrême habileté de style, enfin une forme originale de la critique. Notre époque compte bien des formes de la critique littéraire, et M. […] La nature est pleine de variétés et de moules divers : il y a une infinité de formes de talents. […] « Mais, s’écrieraient-ils, vous présentez la vérité sous forme bien paradoxale ; votre style, à vous-même, est trop pensé ; vous frappez à tout coup ; vous parlez Quintilien, mais en traits à la Sénèque. » Et moi je l’en louerai et je lui dirai : « Vous nous réveillez sur ces vieilles questions ; vous avez trouvé moyen de nous promener dans la terre de la patrie par des chemins imprévus.
La poésie alors, orale, vivante, forme naturelle et souveraine, support et enveloppe de tout, de la science, de l’histoire, de la morale, du culte, tenait au fond même de l’existence d’une race, et enserrait, comme en un tissu merveilleux, mœurs, exploits, souvenirs, les dieux et les héros d’une nation. […] Les Quatre Âges abordent le même sujet sous forme directe, sur un ton de lyrisme grave et didactique : c’est l’hymne auguste du philosophe, ce sont les vers dorés de la science nouvelle. […] Mais sous la forme particulière dont Béranger a fait usage, la mise en œuvre de cet esprit national nous semble pour longtemps interdite. […] Mais il est deux autres prosateurs que cette préface de Béranger m’a fortement rappelés par la multitude de traits fins, de pensées sous forme d’images sensibles, et de comparaisons brèves dont elle est comme tissue.
Mais il fallait surtout assez d’intrépidité et ne pas sortir des formes reçues. […] De nos jours, la poésie, en reparaissant parmi nous, après une absence incontestable, sous des formes quelque peu étranges, avec un sentiment profond et nouveau, avait à vaincre bien des périls, à traverser bien des moqueries. […] On est insensiblement poussé à la forme, à l’apparence ; de si près et entre gens si experts, nulle intention n’échappe, nul procédé technique ne passe inaperçu ; on applaudit à tout : chaque mot qui scintille, chaque accident de la composition, chaque éclair d’image est remarqué, salué, accueilli. […] Un autre vœu moins chimérique, un désir moins vaste et bien légitime que forme l’âme en s’ouvrant à la poésie, c’est d’obtenir accès jusqu’à l’illustre poëte contemporain qu’elle préfère, dont les rayons l’ont d’abord touchée, et de gagner une secrète place dans son cœur.