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995. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Une terrasse inondée de soleil couchant et recouverte d’une treille de vigne laissait entrevoir à travers les pampres une table rustique couverte de corbeilles de raisin, de figues, de crème et de fiasques ficelées de paille jaune, dont des fleurs sauvages bouchaient le long col à la manière d’Italie ; c’était une collation préparée par le métayer pour la promenade ordinaire de la belle princesse. […] Au fond, madame Récamier n’avait pas la moindre passion politique ; c’était l’éclectisme de toutes les dates, depuis le Directoire, sous lequel elle était éclose, jusqu’au Consulat, où elle avait vécu en intimité avec les brillantes sœurs de Bonaparte, surtout avec madame Murat, la reine de Naples ; jusqu’à l’Empire, où elle avait eu la gloire de partager l’exil illustre de madame de Staël et de madame la duchesse de Luynes ; jusqu’à la Restauration, où elle était rentrée à Paris, comme victime couronnée de fleurs, non pour être immolée, mais pour être encensée ; jusqu’à la révolution de Juillet, qu’elle n’aimait pas, mais contre laquelle elle n’avait point de colère, et qui avait accru son importance en la faisant centre d’un salon aussi redouté qu’une tribune ; jusqu’à la République même, réminiscence caressée de ses premiers triomphes, et contre laquelle elle n’avait pas de parti pris, pourvu que la république ne fût ni ignoble ni terroriste. […] Ampère voyage, pareil à l’esprit errant, des déserts d’Amérique aux déserts d’Égypte, sans trouver le repos dans le silence ni l’oubli dans la foule, et rapportant de loin en loin dans sa patrie de la science, de la poésie, de l’histoire, qu’il jette, comme les fleurs de sa vie, sur le cercueil de son amie.

996. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

J’étais toujours sûr d’y voir quelque douce et belle fleur s’épanouir au soleil, et d’y rencontrer le vigilant roi-pêcheur en sentinelle à la pointe d’une pierre dont l’ombre se projetait au-dessus du limpide cristal des ondes. […] Je regardai dedans : il était vide, mais propre et en bon état, comme si les propriétaires absents comptaient y revenir avec le printemps. — Déjà sur chaque tige les bourgeons étaient gonflés ; quelques arbres même se paraient de fleurs ; mais la terre était encore couverte de neige, et, dans l’air, on sentait toujours le souffle glacial de l’hiver. […] Un parfum éthéré embaume l’air ; partout des fleurs, des grappes mûrissantes, des corymbes vermeils, une atmosphère tiède et enivrante.

997. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

S’il était occupé d’une grande idée, ses paroles coulaient avec une inépuisable richesse ; on croyait alors être au printemps, dans un jardin où tout est en fleur, où tout éblouit, et empêche de penser à se cueillir un bouquet. […] Puis je le revoyais, et je retrouvais un jour d’été avec tous ses sourires ; je croyais entendre dans les bois, dans les buissons, dans les haies, tous les oiseaux me saluer de leurs chants ; le ciel bleu était traversé par le cri de coucou, et dans la plaine en fleurs bruissait l’eau du ruisseau. […] Vers trente ans, l’âme, trop souvent froissée, a perdu sa fleur première.

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