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288. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il y serait venu, j’imagine, vers 1786, un peu avant son voyage d’Italie ; il aurait trouvé l’ancienne société française dans sa dernière fleur ; il aurait été un moment à la mode comme tous ces princes du Nord qui y passèrent, comme tous ces princes de l’esprit et de la pensée, Hume, Gibbon, Franklin ; on se serait mis à lire Werther et le reste comme on aurait pu, à la volée, pour lui en parler et le bien recevoir. […] S’il était occupé d’une grande idée, ses paroles coulaient avec une inépuisable richesse ; on croyait alors être au printemps, dans un jardin où tout est en fleur, où tout éblouit et empêche de penser à se cueillir un bouquet. […] Puis je le revoyais, et je retrouvais un jour d’été avec tous ses sourires ; je croyais entendre dans les bois, dans les buissons, dans les haies, tous les oiseaux me saluer de leurs chants ; le ciel bleu était traversé par le cri du coucou, et dans la plaine en fleur bruissait l’eau du ruisseau. […] Qu’on parcoure l’admirable volume de ses poésies à lui, chansons, paraboles, élégies, épigrammes50, vaste prairie de fleurs et de verdure où, quelque part que le regard tombe, chaque point vit, reluit ou scintille de sa couleur propre, et l’on comprendra tout le sens de ce conseil. — « Il n’y a pas une seule ligne de mes poésies, disait-il, qui n’ait été vécue. » Nous avons tous plus ou moins, sur la foi des premiers témoins et visiteurs qui nous en ont parlé, cru Gœthe plus insensible qu’il ne l’était.

289. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Voyez sa personne ; revoyez-la telle qu’elle a dû être dans la fleur de la jeunesse. […] voici la définition d’un bal : « Un bal, c’est une corbeille de rubans et de gazes, confusément pleine de fleurs fraîches, de fleurs fanées et de fleurs artificielles, parmi lesquelles, à la lumière des bougies, se joue un essaim de papillons noirs. » Il y a là toute une aquarelle vivante, claire, légère, comme il les sait faire, et tachetée de noir par places avec caprice et agrément.

290. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Laissée entière sur sa tige, elle est comme la fleur virginale du devoir ; à demi cueillie et contenue, elle embaume souvent toute une vie et la pénètre, comme ferait un aromate secret. […] Est-ce par des fleurs qu’il va se produire ? […] Ampère ne l’a pas toute détachée et mise à part dans son Hilda ; cette fleur respire avec discrétion et sentiment en d’aimables passages, comme, par exemple, en ces endroits si bien touchés des chastes mariages chrétiens, où les époux convertis n’étaient plus que frère et sœur. où l’épouse rougissante revenait à la virginité169. […] Dans leurs cellules rigoureuses, dans ces chambres sans feu, même l’hiver172, les doctes religieux, le front baissé, s’appliquaient sans art à une besogne excellente : se seraient-ils permis même une fleur ?

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