Voyez la fin de Christine : Monaldeschi a peur, peur de la mort, peur de la blessure, de la douleur, du sang qui coule, du fer froid qui entre dans la chair ; il a la fièvre, il tremble ; puis il est blessé, il se traîne saignant, il supplie, on l’achève. […] Hugo nous a donné avec puissance la vision poétique du passé : en dépit des extravagances de l’action, Ruy Blas évoque devant nos yeux l’effondrement de la monarchie espagnole, l’épuisement de la dynastie autrichienne à la fin du xviie siècle ; et les Burgraves ressuscitent dans notre imagination l’effrayante, la confuse grandeur de l’Allemagne féodale. […] Son théâtre est exquis par la fine notation d’états sentimentaux très originaux et très précis : il s’analyse lui-même sous ses noms divers avec une acuité poignante. […] Depuis la fin du xviiie siècle, la comédie se traîne : la gaieté de Beaumarchais est perdue, la profondeur de Molière se retrouve encore moins. […] Scribe est un artiste : en ce sens d’abord que ses combinaisons dramatiques n’ont d’autre fin qu’elles-mêmes.
Et il me paraît bien, à moi, que ce dernier recueil n’est pas plus un assemblage d’« épreuves ratées » que la seconde Légende des siècles, le Pape, l’Ane, Religions et Religion, Pitié suprême, le Théâtre en liberté ou la Fin de Satan. […] Voici la fin d’une de ces joyeuses énumérations : Zeb plante une forêt de gibets à Nicée ; Christiern fait tous les jours arroser d’eau glacée Des captifs enchaînés nus dans les souterrains ; Galéas Visconti, les bras liés aux reins, Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce Passe dans les œillets de sa veste de force ; Cosme, à l’heure où midi change en brasier le ciel, Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; Alonze, furieux qu’on allaite son frère, Coupe le bout des seins d’Urraque avec ses dents ; Vlad regarde mourir ses neveux prétendants, Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, Fait, avec de la brique et des hommes vivants, D’épouvantables tours qui hurlent dans les vents… etc… car ça continue. […] C’est trop d’injustice, à la fin ! […] Il est facile de prévoir qu’avant la fin du siècle les drames de Victor Hugo ne compteront dans l’histoire du théâtre qu’à titre de documents. […] A la fin, tous se retrouveront, dégagés du poids, dans la lumière, en Dieu. » Sa vision de l’histoire est de même sorte, sommaire, anticritique, enfantine et grandiose.
La seule chose qu’il y aurait injustice à ne pas reconnaître, c’est une certaine grandeur dans la pensée première, et ce qu’il y a eu de généreux dans les illusions qui s’y mêlèrent et dans la passion qui la mit à fin. […] Entraînée plutôt que conduite par Diderot, à la fois le chef et le principal ouvrier de l’entreprise, qui s’y était dévoué par tempérament presque autant que par opinion, et pour avoir où dépenser son improvisation intarissable, l’Encyclopédie fit une fin confuse et tumultueuse par des volumes qui s’emplissaient au hasard de témérités de toutes sortes, et de légèretés de toutes mains, dont la plus infatigable fut celle de Diderot120. […] Aussi, quel ne fut pas le soulagement de tous ceux que n’avait pas atteints la propagande encyclopédique, à la lecture d’un livre qui faisait rentrer la Providence dans le monde, et l’âme dans la nature redevenue le théâtre de la création intelligente, où chaque chose raconte la fin pour laquelle elle a été créée ! […] J’aurais été de ceux qui demandaient à l’auteur, au temps de la grande faveur de Paul et Virginie, s’il était vrai que ce couple charmant eût fait une si cruelle fin. […] En perdant la mélancolie de René, il perdrait cette paix qui s’y mêle à la fin, et ce repos au terme de la lutte, plus doux que celui du vieux soldat qui se délasse des fatigues des longues guerres au foyer du pays natal.