Né à Pont-de-Vaux en 1769, l’année même de la naissance de Napoléon, Joubert était fils d’un juge-mage du pays. […] On voit par les lettres du fils que le père était exigeant avec lui, ne se contentait pas aisément et lui demandait de se distinguer, d’avancer toujours. Le jeune général, même après ses victoires et son élévation, ne cessa jamais, en écrivant à son père, de signer : « Votre très soumis fils. » Dès l’âge de seize ans, étant en rhétorique et quoique bon élève, Joubert avait trahi ses instincts belliqueux en s’échappant du collège pour s’engager dans l’artillerie.
Il est enfant du peuple, fils d’honnêtes gens, de gens de peine et de travail. […] Âme robuste, entière, non usée de père en fils par l’élégance et la politesse des salons, intelligence brusque et absolue, non assouplie par la critique, non rompue aux systèmes, d’une sensibilité profonde et d’un grand besoin de tendresse au milieu de certaines grossièretés de nature, il fut atteint et renversé en même temps, retourné tout d’une pièce ; le fier Sicambre s’agenouilla : il se fit du même coup chrétien, catholique, ultramontain. […] Il revint de là en soldat de la foi et en missionnaire, décidé à propager et à enfoncer la vérité, coûte que coûte, parmi les infidèles, parmi les fils de Voltaire.
lui dit-il, il est vrai que vous connaissez un pays où le fils peut être pour jamais séparé de celle qui lui a prodigué les plus tendres marques d’affection pendant les premières années de sa vie ! […] La liberté donne des forces pour sa défense, le concours des intérêts fait découvrir toutes les ressources nécessaires, l’impulsion des siècles renverse tout ce qui veut lutter pour le passé contre l’avenir : mais l’action inhumaine sème la discorde, perpétue les combats, sépare en bandes ennemies la nation entière ; et ces fils du serpent de Cadmus, auxquels un dieu vengeur n’avait donné la vie qu’en les condamnant à se combattre jusqu’à la mort, ces fils du serpent, c’est le peuple, au milieu duquel l’injustice a longtemps régné.