Un de ces escaliers qui font peur aux collégiens allant perdre leur pucelage avec une fille, et une antichambre toute grande ouverte, où il n’y a comme mobilier que des patères à chapeaux ; et dans un coin, sur le carreau, un pain de quatre livres, posé debout. […] Il y a dans ce moment-ci un curieux type de filles de la haute volée, se faisant une clientèle de petits hommes, encore au collège, se préparant ainsi, chez les enfants de parents riches, de futurs entreteneurs. […] Cette femme, je l’étudie, parce que pour moi, elle est physiquement et moralement le type de la fille de maison, qu’elle y ait été ou non. […] Elle est le matin, en jupe noire, en camisole blanche avec dessus un fichu jaune, le terrible fichu de la fille soumise, — souvent les pieds nus dans ses pantoufles. […] C’est Mlle D… la fille du peintre… Toutes les têtes de femmes sont à demi masquées par un petit voile de dentelle noire, étroit comme un loup, et finissant au sourire qu’il semble chatouiller, en laissant le haut du visage dans une pénombre mystérieuse.
Rops, qui nous a envoyé le dessin d’une fille du plus artistique style macabre5 portant cette dédicace : À MM. […] Un moment l’on parle de l’embarras pudique de la jeune fille jetée dans le lit du mari, et là-dessus, une des dîneuses dit avoir entre les mains un curieux autographe : les instructions, par la poste, d’une mère absente, à sa fille… Au fumoir, Théophile Gautier m’entretient de sa fille Judith, de son roman chinois paraissant dans la Liberté, qu’il trouve « du Salammbô sans lourdeur ». […] Edmond. » Et elle rentre dans la salle à manger et elle lui fait signe de s’asseoir à côté d’elle : « Je n’ai pas lu votre dernier livre, et je ne peux plus vous recevoir… On me le défend… Oui, j’aime mieux vous le dire… Nous qui vous aimons tous tant là-bas… » Et de l’œil, elle lui donne le sourire d’amitié que lui jettent ses petites filles, en tournant dans leur danse, au tapotement du piano, tenu par la vieille grand-mère à lunettes. « Oui, M. *** — et elle nomme son mari — a une jalousie contre vous que je ne m’explique pas… » Elle reprend : « Ça le rend tout à fait malheureux… Entre moi et lui, ça n’a jamais été formulé d’une manière bien nette… mais cela a amené pourtant des scènes dans notre intérieur… Oui, il faut que nous renoncions à ce plaisir tous… Concevez-vous qu’il m’empêche de vous lire… Que voulez-vous, nous nous retrouverons, une fois par an, comme cela par hasard… Cela me pesait depuis longtemps, j’ai mieux aimé que vous le sachiez. » Et mon frère la quitte, persuadé, comme moi, que cette femme qui vient presque de lui avouer la tendresse de sa pensée, ne ferait jamais pour lui, s’il en devenait vraiment amoureux, le sacrifice de son orgueil d’honnête femme. […] * * * — La politesse est à la fois la fille de la grâce française et du génie jésuite. […] Dans un sentiment de hauteur et de femme du monde, elle se plaignait spirituellement, ce matin, d’avoir à partager avec de pareilles femmes, la société, la pensée de ses amis, d’hommes comme Sainte-Beuve, Taine, Renan, lui volant vingt minutes, lorsqu’ils dînaient chez elle, pour aller les porter chez cette fille.
* * * — Il est des maris de ce temps, qui traitent leurs femmes comme des filles. […] » Vendredi 20 novembre Par le vent froid qu’il fait, ce matin, en montant vers Saint-Cloud, pour gagner Versailles, — dans l’excitation d’une marche presque courante, mon roman (La Fille Élisa) commence à prendre une apparence de dessin dans ma cervelle. […] « J’étais tout jeunet, faisant déjà le portrait de tout le monde, quand le grand-père de la dite actrice — il était régisseur d’un théâtre du boulevard — me dit : « Tu devrais faire le portrait de ma fille ? » J’étais élève de l’École, elle était élève de la Danse, j’avais seize ans, elle en avait peut-être dix-huit, vous voyez ça d’ici… À l’Opéra elle faisait de la pantomime avec un maître de ballet… Ne s’amusa-t-elle pas à vouloir se faire mon professeur dans cet art… Moi, qui étais mime dès l’enfance, vous pensez si ça m’allait, et me voilà, le portrait abandonné, à tourner autour d’elle avec des ronds de jambe, et des mains sur le cœur, me voilà à m’agenouiller, en simulacre de déclaration… Elle trouvait ça très drôle, et moi en arlequinant, vous vous doutez que je pelotais fort… Un jour, que nous arlequinions ainsi, le père entre tout à coup, et me voit serrer sa fille de très près. […] C’était alors, en termes d’atelier, un vieux plumeau, mais sa fille marchait derrière elle, et je l’ai reconnue dans la jeunesse de sa fille.