Mais la grandeur de la cause que défend Bossuet se communique à tout ce qu’il écrit pour elle, au lien que la cause de Saint-Simon est si mesquine et si personnelle qu’en lui donnant le dépit éloquent, l’art de faire ressortir les fautes, les couleurs vives pour peindre ses ennemis, le feu, l’emportement, l’éloquence des regrets, elle ne lui donne pas ce qu’elle n’a pas, la grandeur. […] Leur feu n’est point cette ardeur fébrile du cerveau qui précipite les pensées, c’est l’émotion qui croît à mesure que la vérité se découvre. […] Tous deux avouent leur impuissance à se corriger. « Je n’ai jamais le courage de relire mes lettres, dit Mme de Sévigné ; je ne me reprends que pour faire plus mal. » Et Saint-Simon, dans ses conclusions : « Je n’ai jamais pu me défaire d’écrire rapidement. » Cette vivacité d’impression, ce feu d’esprit n’est guère compatible avec le travail de la correction.
Point de ces douces illusions qui vous mettent à la place du Personnage qui parle ou qui agit ; aucuns transports de cet enthousiasme, de cette ardente vigueur d'une ame enflammée qui maîtrise les autres ames ; aucune éruption imprévue de ce beau feu qui fait taire la critique, lors même qu'elle trouve à condamner dans ces écarts. Virgile étoit moins animé de ce beau feu, qu'Homere : il y supplée par l'éclat, la constance & l'égalité. […] Le feu du Chantre d'Henri IV n'a d'autre effet que celui d'éblouir ; il pétille, il éclate ; jamais il n'échauffe & ne transporte.
Je trouve peu intéressant de savoir si Moloch était servi par des prêtres en manteau rouge, s’il était célébré en d’horribles concerts où « grinçaient, sifflaient, tonnaient les scheminith à huit cordes, les kinnor, qui en avaient dix, et les nebal, qui en avaient douze » ; mais je sais, toujours d’après les preuves établies par nos maîtres, que le dieu d’airain, à de certains jours, se nourrissait de la chair des enfants, que les plus puissantes familles étaient obligées de lui apporter leur tribut, que le feu de ses entrailles rugissait sur la place publique, et que le monstre, agitant ses longs bras, précipitait lui-même dans le gouffre ses innocentes victimes. […] Ce Mâtho est une nature de feu, un Hercule africain ; l’auteur a placé auprès de lui un esclave récemment affranchi, le Grec Spendius, ancien marchand de femmes, rusé, subtil, audacieux, qui va aiguillonner la souffrance du monstre pour le précipiter contre Carthage : au camp, dans les marches, dans les négociations avec les envoyés de la république, Spendius est toujours là, soufflant la guerre et attisant le feu qui dévore le Libyen.