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566. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

* * * — Expression d’un marchand d’eau-de-vie artiste : « Oui, c’est de l’eau-de-vie… mais pas de l’eau-de-vie qui donne chaud sous les ongles. » Vendredi 9 février Zola disait hier chez Daudet « que nous avions un malheur… que nous avions trop besoin de nous faire plaisir… qu’il fallait, que la page que nous écrivions, nous donnât aussitôt, après sa fabrication, le petit bonheur d’une harmonie, d’un tour, d’un orné, auquel nous sommes habitués dès l’enfance. » * * * — M…, un modiste de filles, déclarait qu’il n’habillait pas les femmes du monde, parce qu’elles manquaient de conversation. […] Mercredi 18 avril Ce soir, chez la princesse, le vieux Franck se plaint que tout soit à la philologie, que le monde scientifique ne veuille plus que des noms, qu’il y ait une convention pour rejeter les idées, ces vieilles aristocrates, selon son expression. […] Il y a pour moi, dans cette pièce, des vraies scènes d’un théâtre moderne, seulement, parfois abîmées par les expressions littéraires en retard, de Delair. J’obtiens de faire remplacer : « Remettez le cadavre », lorsque la reine parle de la couronne aux faux diamants, par cette phrase : « Remettez ça, là. » Ce « cadavre » doit paraître du sublime à quelques-uns, qui ne se doutent pas, que dans les situations dramatiques, il faut que toujours l’expression soit simple, qui ne savent pas que la passion emploie toujours l’expression commune, et au grand jamais, l’image.

567. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

On raconte, discrètement il est vrai, qu’il faisait à l’avance des cahiers d’expressions, qu’il emmagasinait sur de petites feuilles des alliances de mots ou des expressions qui l’avaient frappé dans ses lectures, et que, plus tard, il en saupoudrait ce qu’il avait écrit. […] Quant au livre attaché à cette préface, chiche de tout point, nul en religion, pauvre en philosophie, vide enfin, ce choix d’études, dont l’arrière-prétention est de se poser comme l’expression photographique de l’esprit moderne, n’est qu’un babillage littéraire, dénué profondément de charme. […] Ces traductions choisies, mais qui sont faites avec la fidélité de l’expression, le respect du tour, la conservation pieuse de la couleur, auraient dû dégriser à ce qu’il semble Villemain de cette admiration démesurée pour Pindare, étonnante chez lui comme une ivresse si elle ne s’expliquait par quelque chose qui explique tout, — l’analogie de nature entre le critique et le poète, proportion gardée entre la force de l’un et de l’autre. […] … Les quelques notices qu’on vient de publier nous vengent-elles, au moins, par l’expression, des oublis pires que les erreurs de ce livre sur la tribune moderne où l’on ne trouve ni classement, ni comparaison, ni hiérarchie établie entre les talents qu’il veut juger ?

568. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais comme on comprend, — ce sont ses propres expressions, — que son cœur se soulevât à la lecture de ce fatras mystique ! […] C’est d’abord dans l’usage de ces expressions abstraites et de ces termes généraux qui sont un caractère manifeste et notable du style de Massillon. […] Diderot, comme il le déclare lui-même, « ne balance jamais à préférer l’expression la plus cynique, qui est toujours la plus simple ». […] Quand les peintres pensent, il faut qu’ils pensent d’une façon à eux particulière, je veux dire qui leur est imposée par les moyens d’expression dont ils disposent, et qui ne sont pas, qui ne sauraient être les moyens d’expression de la littérature. […] dans quelles limites sa valeur d’expression est-elle renfermée ?

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