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299. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Vous voulez nous parler du plus poli des écrivains, de l’auteur d’un livre à jamais immortel dans son expérience amère et son élégante concision, et voilà comment vous vous exprimez : « Dès son retour à Paris (en 1657), il (M. de La Rochefoucauld) devint un des fidèles du salon de Mme de Sablé, de précieuse mémoire, et se lia avec l’académicien Esprit, pour lequel il ne cessa, dans ses lettres à la noble marquise, de montrer une déférence marquée… Pendant sa retraite, il avait composé des Mémoires, mais il paraît avoir de bonne heure ensuite pris goût à la mode des Maximes, inaugurées par Mme de Sablé et par Esprit, dont il suivit à cet égard ponctuellement d’abord les conseils… » — Mais, jeune homme, vous n’avez donc pas eu en votre temps un maître de rhétorique ou de seconde qui vous ait appris à mesurer vos phrases, à écrire sinon élégamment, du moins suffisamment, à ne pas accumuler les adverbes ? […] Avant d’en venir à son dernier mot d’expérience amère, il avait eu plusieurs existences écroulées sous lui. […] M. de La Rochefoucauld fit les siennes ; il y prit goût ; il eut l’idée d’y mettre en entier les résultats de sa philosophie et de son expérience, et c’est ainsi que de simples jetons de société sont devenus par lui des médailles immortelles.

300. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

C’est un homme d’un tact sur, d’une expérience consommée, et, quoi qu’on en dise, il a prouvé qu’il était exceptionnellement capable de dévouement. » Si j’osais prendre la liberté d’éclairer ces portraits par des noms connus, je dirais que ce comte de Noir-mont est un bon Montrond, un Montrond qui n’a été corrompu qu’à point. […] Avec moins d’expérience et un sentiment plus haut du devoir, j’aurais peut-être tenté de le réformer ; mais, dans la pratique, j’ai reconnu que le mal est vivant, que les abus sont des hommes, et se comptent par milliers. […] Au milieu des vérités d’observation et d’expérience dont cette pièce est semée et qui sont exprimées d’une touche ferme et sans prétention, il y a donc, contrairement à plus d’un exemple à la mode, une veine de sentiment et de bonne nature ; il s’y rencontre à tout instant, à travers les faiblesses, de bonnes fibres en jeu.

301. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Ces événements, bien vus, bien écoutés, bien compris, ont un langage parfaitement intelligible qui s’appelle l’expérience, la leçon, la moralité, la sagesse, la philosophie des choses. […] VI Enfin, il faut que l’historien soit arrivé à la vieillesse, ou du moins à cette maturité des années qui donne, avec le sang-froid de la pensée, le désintéressement de l’ambition, ce loisir studieux où l’écrivain se renferme dans la solitude de son âme pour recueillir, avant sa mort, les événements de son temps, les expériences, les jugements qu’il veut léguer à la postérité. […] Ôtez une seule de ces conditions d’âge, d’expérience, de pratique des comices et des cours, d’étude des lettres antiques, d’élévation au-dessus des partialités des temps, de puissance de tout comprendre, même la vertu, et ce discours n’existerait pas.

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