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24. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

C’est ensuite qu’il existe une concurrence vitale universelle ayant pour effet de perpétuer chaque utile déviation de structure ou d’instinct. C’est enfin que chaque degré de perfection d’un organe quelconque peut avoir existé, chacun de ces degrés étant bon dans son espèce. […] Tous les spécimens de nos musées réunis ne sont absolument rien auprès des innombrables générations d’innombrables espèces qui ont certainement existé. […] Mais pourquoi cette loi de nature existerait-elle, si chaque espèce avait été indépendamment créée ? […] Si cet individu unique a existé, ce ne peut être que la planète elle-même.

25. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Nous croyons, pour notre part, que cette unité existe. […] C’est par une assertion arbitraire que les platoniciens et les kantiens limitent à la sensation informe l’effet des objets extérieurs sur nous ; tout porte à croire, au contraire, que les relations qui existent entre les objets mêmes ont un effet dans la conscience ; elles doivent s’y refléter, y produire enfin les relations qui existent entre nos sensations mêmes. […] Il reste donc toujours à savoir s’il n’existe pas une impression complexe d’égalité concrète. […] Une sensation, selon nous, n’existe en elle-même qu’à la condition d’exister aussi pour soi à quelque degré, et il n’y a pas plus de sensation absolument inconsciente que de souffrance inconsciente ; or, par cela même qu’un état de conscience est senti, on peut dire aussi que, dans la même mesure, il est connu comme tel. […] Toute idée, tout sentiment n’existe qu’en vue de l’action et tourne en action.

26. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Les lunettes les plus foncées ne me suffisaient plus ; je les mis doubles, et finalement j’eus l’idée de noircir mes lunettes avec du noir de charbon… Constamment il m’a semblé que mes jambes n’étaient plus à moi ; il en était à peu près de même de mes bras ; quant à ma tête, elle me semblait ne pas exister… Il me semblait que j’agissais par une impulsion étrangère à moi-même, automatiquement. […] « Dans les premiers temps, et aussitôt après mon attaque, dit l’excellent observateur132, il m’a semblé que je n’étais plus de ce monde, que je n’existais plus, que je n’existais pas. Je n’avais pas le sentiment d’être un autre ; non, il me semblait que je n’existais plus du tout. […] Le colonel anglais133 parfois a cru pour de bon qu’il n’existait plus ; il m’a dit qu’alors il restait des heures entières immobile, comme en extase, sans rien comprendre du monde extérieur. Il faut distinguer cette première et profonde impression de toutes les autres qui vont suivre. » — En effet, dans ce premier stade, les sensations nouvelles étaient trop nouvelles ; elles n’avaient pas été répétées un assez grand nombre de fois pour faire dans la mémoire un groupe distinct, une série cohérente, un second moi ; telle est la chenille dont nous avons parlé, dans le premier quart d’heure qui suit sa métamorphose en papillon ; son nouveau moi n’est pas encore formé, il est en train de se former ; l’ancien, qui n’éprouve que des sensations inconnues, est conduit à dire : Je ne suis plus, je ne suis pas. — « Plus tard et dans une seconde période, dit notre observateur, lorsque par un long usage j’eus appris à me servir de mes sensations nouvelles, j’avais moins d’effroi d’être seul et dans un pays que je ne connaissais pas ; je pouvais, quoique avec difficulté, me conduire ; j’avais reformé un moi ; je me sentais exister, quoique autre. » Il faut du temps pour que la chenille s’habitue à être papillon ; et, si la chenille garde, comme c’était le cas, tous ses souvenirs de chenille, il y a désormais un conflit perpétuel et horriblement pénible entre les deux groupes de notions ou impressions contradictoires, entre l’ancien moi qui est celui de la chenille, et le nouveau moi qui est celui du papillon. — Dans le second stade, au lieu de dire : Je ne suis plus, le malade dit : Je suis un autre.

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