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920. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je cherchai donc, à mon tour, à l’aide des données communes, et sans inventer ce que je ne pouvais découvrir, à retracer en quelques pages cette existence dont une ambition constamment déçue fait l’unité, à exposer et à étudier ces œuvres dont l’épanchement d’un cœur blessé fait la principale grandeur, et je soumets maintenant cet essai, avec une juste défiance, à ce petit nombre de personnes qui me récompensent amplement de mon travail en voulant bien me juger. […] Si l’homme ne vivait que pour lui-même, et s’il fallait juger toutes ses actions par le profit qu’il en tire, le passage de Swift en ce monde ne serait qu’une rigueur inutile de la destinée, et ce serait à bon droit qu’il demandait compte au ciel de cette existence, qui avait commencé dans les dégoûts, langui dans les déceptions, et qui devait finir dans les tortures. […] C’est de plus haut qu’il faut juger de telles existences, puisqu’elles laissent des traces qui intéressent le genre humain.

921. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Sa sœur, devenue veuve, l’avait rejoint, et leur existence à tous deux était tolérable. […] C’est, au ton près, la pensée de cet Ancien qui disait : « Lorsque tu auras doublé24 le soixantième soleil, ô Gryllus, Gryllus, meurs et deviens poussière : bien sombre en effet est le tournant par delà ce point de l’existence, car déjà le rayon de la vie est émoussé25. » Le propre du chansonnier, c’est que la parole chez lui soit à peu près inséparable de l’air.

922. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

On eût dit que cet enfant avait deviné le sérieux et les tristesses de l’existence, et que son ange gardien, comme on disait autrefois, ou son étoile, comme on dit aujourd’hui, lui avait déchiré dès le berceau le voile qui dérobe l’horizon humain à tout homme destiné à vivre dans ce monde fantastique en écartant des fantômes pour marcher à des ombres. […] Il y vit aimé, indépendant, studieux, dans ce délicieux loisir des jeunes années, repos d’une union formée par le cœur, lune de miel prolongée de l’existence, où la destinée bien rare verse du jour sans ombre, des joies sans lie et des douceurs sans mélange d’amertume à ses favoris.

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