. — Il trouve dans les ennuis mêmes de son existence auprès du cardinal du Bellay la matière de son chef-d’œuvre. — Originalité du recueil des Regrets. — Les Antiquités de Rome, et la poésie des ruines.
Mais, aujourd’hui que les peuples sont devenus sérieux et forts, et que leur destinée n’est plus, comme aux premiers âges du monde, de vivre au hasard, d’applaudir aux poètes et de mourir, mais de lier leur existence à tous les temps, et de mener à fin une œuvre commencée par les peuples anciens, et reprise ensuite, depuis bientôt deux mille ans, sur de plus larges bases, œuvre lente et laborieuse, à laquelle nous poussons tous, grands et petits, sachant bien où nous allons, au lieu que nos pères y poussaient en aveugles : à savoir, le règne du droit sur la force ; aujourd’hui que les croyances, les opinions, les sympathies ne s’établissent plus sur la foi des hommes de génie, mais seulement à l’user, et sur la foi de l’expérience, le poète n’est plus qu’un solitaire dont le livre est, en apparence, à l’adresse de tout le monde, mais ne va réellement qu’à quelques âmes éparpillées dans la foule et solitaires comme lui. […] L’inconvénient de trop idéaliser les objets, c’est qu’on finit par leur ôter leur existence réelle, et par les rendre méconnaissables. […] Je ne concilie pas bien une existence solitaire d’alchimiste avec un violent amour, deux folies qui ne peuvent guère loger dans le même cerveau.
Une existence de cent trente années est assurément très honorable pour une pareille farce.