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610. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

M. de Schulenburg était appuyé sur la pierre qu’on a mise à l’endroit où Gustave-Adolphe fut tué, et il me dit en m’embrassant, après que j’eus fait serment : « Monsieur, je souhaite que ce lieu vous soit aussi propice que j’en tire un heureux augure, et que le génie du grand homme qui a expiré ici passe sur vous ; que sa douceur, sa sévérité et sa justice vous guident dans toutes vos actions ; soyez aussi soumis à obéir ou sévère à commander ; ne pardonnez jamais par amitié ou par considération ; dans les moindres fautes, que l’exemple du sévère Magnus (Gustave-Adolphe) vous soit toujours présent ; ayez des mœurs irréprochables, et vous commanderez aux hommes : voilà la base et les fondements inébranlables de notre métier. […] Mais, même en tenant compte de la fantaisie qui évidemment y a eu très grande part et qui s’y donne toute carrière, le comte Vitzthum croit avoir trouvé le sens et le but de l’ouvrage : selon lui, lorsqu’il le composa, Maurice, qui avait l’œil sur le Nord et qui était dans le secret de certains projets menaçants, songeait surtout à une guerre éventuelle en Pologne et à la manière de l’y conduire : Mes Rêveries seraient donc moins un traité théorique qu’un mémoire ad hoc pour un but spécial déterminé, un ensemble de notes et d’instructions adressées au roi Auguste, son père, et qui reviendraient à cette conclusion : « Si vous voulez faire la conquête de la Pologne, voici comment il faut organiser votre armée : donnez-moi carte blanche et quarante-cinq mille hommes, en deux campagnes, sans livrer une seule bataille, je vous rendrai maître de la république ; cela ne vous coûtera pas un sou. » — Ce point de vue ingénieux et nouveau, qui donnerait une clef à une production un peu bizarre, me paraît exagéré et ne saurait guère s’appliquer qu’à deux ou trois chapitres du livre : l’exemple de la Pologne et les plans de guerre qui s’y rapportent ne viennent à l’auteur que chemin faisant. […] Dans un passage des Rêveries que le comte Vitzthum a rétabli exactement selon le manuscrit, on lit cet hommage rendu à la valeur française : « C’est le propre de la nation française d’attaquer… La valeur et le feu qui animent cette nation ne s’est jamais démenti, et, depuis Jules César, qui en est convenu lui-même, je ne sais aucun exemple qu’ils n’aient bien mordu sur ce que l’on leur a présenté.

611. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

En accueillant ces images qui étaient de mise à cette date dans les genres réputés nobles et que paraissait réclamer en particulier la dignité de l’histoire, Jomini ne faisait que suivre le courant public et les exemples d’alentour : il eût fallu de sa part un grand effort d’artiste pour atteindre, en 1820, à la simplicité d’Augustin Thierry ; il lui suffisait, quand il tâchait, d’écrire comme Lacretelle. […] L’esprit de parti a pu vous diviser un instant, mais le sang de Winkelried coule encore dans vos veines… Dites-vous bien qu’une nation assez faible pour supporter un attentat contre son territoire est une nation perdue, et qu’il vaut mieux encore succomber avec honneur comme les Bernois en 1798, que d’imiter l’exemple des hommes pusillanimes de 1813. […] Jomini fut d’avis de profiter de ce moment d’effroi pour imposer une capitulation : il rappela l’exemple de la sommation adressée à Mack dans Ulm vingt-trois ans auparavant.

612. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Par là il ressemble à Mme de Charrière : on n’en avait pas d’exemple jusqu’à eux. […] laissez, laissez le lecteur conclure sur la simple histoire ; il tirera la moralité lui-même plus sûrement, si on ne la lui affiche pas ; laissez-le se dire tout seul à demi-voix que ce Lépreux, dans sa résignation si chèrement achetée, est plus réellement heureux peut-être que bien des heureux du monde : mais que tout ceci ressorte par une persuasion insensible ; faites, avec le conteur fidèle, que cet humble infortuné nous émeuve et nous élève par son exemple, sans trop se rendre compte à lui-même ni par-devant nous. […] Il l’a dans la sienne : simplicité, pureté, modestie, honneur ; bel exemple des antiques mœurs jusqu’au bout conservées dans un esprit gracieux et une âme sensible ! 

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