N’est-ce pas par le travail d’un grand nombre de raisons individuelles, qui ont cherché chacune le vrai à leurs risques et périls et ont mêlé peut-être beaucoup d’erreurs à quelques vérités ? Les erreurs ont disparu, les vérités ont surnagé, et de ces vérités éparses, qui se rassemblent et se concilient comme elles peuvent, se forme peu à peu la raison générale, le sens commun.
Il y a des catholiques pour qui toutes les grandes conquêtes modernes, liberté de conscience, liberté de pensée, liberté de la presse, liberté politique, ne sont que de grandes et funestes erreurs : c’est la liberté du mal. […] Comme eux, nous croyons à Dieu et à l’âme ; mais pour eux la liberté de penser est un crime, pour nous c’est le droit et la vie, et nous aimons mieux l’erreur librement cherchée que la vérité servilement adoptée.
Ainsi leur grande erreur a été de se croire appelés, connue les philosophes anciens, à renverser des superstitions ; ils n’ont pas fait attention à cette différence énorme d’une religion dont les préceptes enveloppent, pour ainsi dire, l’homme de tous les côtés, à des religions qui ne s’adressaient qu’à une partie de l’homme, qui flattaient son imagination, sans rien dire à son cœur. Le seul avantage que conservèrent les religions anciennes, ce fut de perpétuer le sentiment religieux chez les peuples qui leur furent soumis ; car, comme nous l’avons déjà remarqué, l’erreur même sert quelquefois à conserver la vérité ; et c’est le sentiment religieux, toujours si respecté par les philosophes anciens, que les philosophes modernes ont tenté d’ébranler, parce qu’ils parce qu’ils toujours, comme nous venons de le dire, de retomber tout vivants dans le christianisme.