Pour écrire six lignes sur la mort de Louvois, ce n’a pas été trop d’avoir entendu Bossuet et Bourdaloue, d’avoir médité sur Pascal et sur saint Augustin ; mais, ainsi préparée, elle a vu l’inexorable main de Dieu qui renversait Louvois et sa grandeur, elle l’a dit tout bonnement, et ce qu’elle a dit tout bonnement est sublime. […] Mais une âme fine et philosophique qui ait senti ce que la présence de l’homme met d’intérêt dans les choses inanimées, ce que l’indifférente sérénité de la nature a de navrant, quand disparaît ce bonhomme qui allait, venait, bêchait, taillait, introduisant le mouvement, la variété, la vie, peuplant ce désert à lui seul, âme de ce petit inonde ; une imagination imbue de poésie païenne, qui exprime la tristesse de cette impassibilité même, et mette en deuil pour le vieux jardinier les fleurs éternellement belles et souriantes, peuvent seules dicter cette brève parole, où l’on entend un écho d’Homère et de Virgile.
En un mot, au lieu de se persuader qu’on a affaire à de purs esprits et à des axiomes universels, on croira qu’on a devant soi un individu vivant, en qui tout est borné et relatif, chez qui les affections, les habitudes, la disposition physique font échec à la vérité ; on prendra la parole qu’on entend pour le signe de l’âme qu’on ne voit ni n’entend ; on tâchera par elle de deviner ce qu’est l’invisible personne qui ne se laisse jamais atteindre que par le dehors.
Il semble qu’on entende les gorges de l’Ida répéter le son des tonnerres : Δεινὸν δ’ἐϐρόντησε πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε. […] Le Très-Haut a fait entendre sa voix ; sa voix a éclaté comme un orage brûlant.