/ 3159
1471. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

On sert ses amis, ses admirations littéraires, à l’occasion, par une pointe, comme en tactique bien entendue. […] Beaucoup de ses opinions d’aujourd’hui ont leur origine et leur racine en ce temps : seulement il s’est attaché à contredire depuis et à combattre sous toutes les formes ce qu’il avait à son début trop entendu affirmer. […] Dante l’a bien senti, lorsqu’il le place, non pas dans le groupe des poëtes païens au chant IV de l’Enfer, mais à titre de chrétien (ce qu’il suppose), dans deux chants à part du Purgatoire (XXI et XXII), plus seul alors en face de Virgile, nommant Virgile avec amour, sans savoir que c’est à lui qu’il parle, souhaitant de l’avoir vu au prix même d’une journée de plus dans les limbes, tombant à ses pieds dès qu’il l’entend nommer, et oubliant, dans cet élan d’embrassement, qu’il n’est qu’une ombre devant une ombre ! […] Quoiqu’il doive sembler bien téméraire à présent, et d’après tout ce qu’on a entendu gronder, de passer, à bord du Stace, avec des vers français à pleines voiles sous le canon même de M.

1472. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Le poëte est déjà tellement habitué au tracas de Paris, qu’il se considère à Chevreuse comme en exil ; il y date ses lettres de Babylone ; il raconte qu’il va au cabaret deux ou trois fois le jour, payant à chacun son pourboire, et qu’une dame l’a pris pour un sergent ; puis il ajoute : « Je lis des vers, je tâche d’en faire ; je lis les aventures de l’Arioste, et je ne suis pas moi-même sans aventures. » Tous ses amis de Port-Royal, sa tante, ses maîtres, le voyant ainsi en pleine voie de perdition, s’entendirent pour l’en tirer. […] La tragédie d’Alexandre le brouilla avec Molière et avec Corneille ; avec Molière, parce qu’il lui retira l’ouvrage pour le donner à l’Hôtel de Bourgogne ; avec Corneille, parce que l’illustre vieillard déclara au jeune homme, après avoir entendu sa pièce, qu’elle annonçait un grand talent pour la poésie en général, mais non pour le théâtre. […] Un régulier lui disputa ce prieuré ; un procès s’ensuivit, auquel personne n’entendit rien ; et Racine ennuyé se désista, en se vengeant des juges par la comédie des Plaideurs qu’on dirait écrite par Molière, admirable farce dont la manière décèle un coin inaperçu du poëte, et fait ressouvenir qu’il lisait Rabelais, Marot, même Scarron, et tenait sa place au cabaret entre Chapelle et La Fontaine. […] Agrippine, dans sa belle invective contre Néron, s’écrie que d’un côté l’on entendra la fille de Germanicus, et de l’autre le fils d’Aenobarbus.

1473. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

«  Sainte-Beuve. »   Je ne me crois pas en droit de produire la réponse textuelle de M. le Président du Sénat : qu’il me suffise de dire qu’elle était non-seulement extrêmement polie, mais bienveillante, et que M. le Président Troplong m’assurait que, lorsque ces questions de doctrine se représenteraient par leur côté légal et politique, je serais autorisé à faire entendre ma voix à mon tour et à mon rang de parole. […] Et cependant parler, je le sens, est bien difficile ; venir contredire dans sa forme, dans sa tendance et dans ses conclusions, le Rapport que vous avez entendu dans la séance de vendredi et qui est l’ouvrage d’un savant collègue, d’un esprit pratique et positif, que je respecte tout particulièrement et qui m’a toujours montré de la bienveillance, ce n’est pas chose aisée, et il n’est pas agréable, je vous l’assure, de paraître prendre en main, ne fût-ce même qu’incidemment, une cause qui est déclarée détestable, funeste, perverse ; de paraître le moins du monde s’associer à ce qu’on a appelé les efforts des méchants. […] J’aimerais à le voir quelquefois, à l’entendre établir et revendiquer ici quelques-uns des principes de la société nouvelle, dût-on l’écouter en frémissant… Mais ce n’est point de cela qu’il s’agit en ce moment ; j’aimerais, dis-je, que le prince Napoléon fût présent, car ce serait à lui plus qu’à personne qu’il appartiendrait de venger le grand écrivain, le grand peintre, la femme cordiale et bienfaisante dont il est l’ami. […] J’ai prié M. de Heeckeren, sénateur, et M. de Reinach, député, de s’entendre avec les deux personnes que vous désignerez pour les suites naturelles de cet incident. — M. de Heeckeren, qui veut bien se charger de ce billet, recevra aussi votre réponse, c’est-à-dire les noms des deux personnes de votre choix.

/ 3159