Dès le berceau, l’enfant est allaité avec cet opium, il respire la fleur inerte du lotus bouddhiste, et toute sa vie reste imprégnée du parfum assoupissant qu’elle exhale. […] Des chiens qui se mordent, des enfants qui se battent, qui rient, qui pleurent bientôt après… Le vain appareil de la magnificence, les spectacles de la scène, les troupeaux de petit et de grand bétail, les combats de gladiateurs, tout cela est un os jeté en pâture aux chiens, un morceau de pain jeté dans un vivier. […] Sa plaie saignait sous le cilice, comme sous la ceinture relâchée. — « Ce qui vous fait peine, Stagyre, — lui écrit le saint, — c’est de voir que beaucoup d’hommes qui étaient tourmentés par le démon de la tristesse, quand ils vivaient dans les plaisirs, s’en sont trouvés tout à fait guéris, une fois qu’ils ont été mariés et qu’ils ont eu des enfants, tandis que vous, ni vos veilles, ni vos jeûnes, ni toutes les austérités du monastère n’ont pu soulager votre mal. » Et il ajoute ce mot profond : « Le meilleur moyen de se délivrer de la tristesse, c’est de ne point l’aimer. » Le christianisme, en sanctifiant cette tristesse, ouvrit un refuge aux désabusés du vieux monde. […] De ce lit de mort, la jeune fille s’est relevée veuve et mère : veuve de son cœur éteint à toutes les flammes de l’amour, mère de l’enfant qu’elle a fait homme et qui lui a coûté la vie de sa jeunesse. […] L’enfant, pour échapper à cette savonnette à vilain, s’est enfuie de la maison paternelle.
Aime-t-elle même son fils, enfant étiolé dans une serre trop chaude, gommeux précoce qui salue de la tête et les talons joints les invités de sa mère ? […] — Je vais trop loin… » — L’enfant s’attache à sa robe, comme s’il pressentait qu’il va perdre sa mère s’il la laisse aller. Nourvady l’écarte d’un geste brutal, l’enfant tombe sur le parquet et reste sans mouvement, étourdi par cette brusque chute. […] Une étreinte où leur enfant est mêlé, les réconcilie. […] Une brutalité qui lui échappe tombe sur son enfant : c’est la délivrance, c’est la goutte qui fait déborder ce cœur oppressé.
Il fut fidèle à sa mission ; il fit de jolis vers, tout en l’honneur de ce royal amour dont il était le confident et presque l’aumônier : On avait dit que l’Enfant de Cythère Près du Lignon avait perdu le jour ; Mais je l’ai vu dans le bois solitaire Où va rêver la jeune Pompadour. […] Mme de Pompadour voulut voir ce fils du maître, trouva moyen de se le faire amener à Bellevue où elle avait sa fille, et, conduisant le roi dans une figuerie où étaient, comme par hasard, les deux enfants, elle lui dit en les montrant tous deux : « Ce serait un beau couple. » Le roi resta froid et donna peu dans cette idée. […] Mais elle, sans bien se rendre compte de cette froideur, elle disait à Mme Du Hausset, en y resongeant : « Si c’était Louis XIV, il ferait du jeune enfant un duc du Maine ; mais je n’en demande pas tant : une charge et un brevet de duc pour son fils, c’est bien peu ; et c’est à cause que c’est son fils que je le préfère, ma bonne, à tous les petits ducs de la Cour. […] On eût fait de cette scène de la marquise, montrant les deux enfants au roi avec larmes, un tableau que j’appellerais du Greuze-Pompadour. […] J’ignore si je trouverai mes sûretés pour le paiement, mais je sais très bien que je risquerai, avec grande satisfaction, cent mille livres pour le bonheur de ces pauvres enfants.