Mais le cardinal de Richelieu, qui s’inquiétait de l’entourage de la jeune reine, et qui voulait lui couper les communications avec l’Espagne, éloigna cette jeune enfant : ce dont Anne d’Autriche se plaignit fort. […] Sa nature calme et peu passionnée ne paraît point avoir souffert d’ailleurs d’une telle union : En l’année 1639, ayant épousé M. de Motteville, dit-elle, qui n’avait point d’enfants et avait beaucoup de biens, j’y trouvai de la douceur avec une abondance de toutes choses ; et si j’avais voulu profiter de l’amitié qu’il avait pour moi, et recevoir tous les avantages qu’il pouvait et voulait me faire, je me serais trouvée riche après sa mort. […] Tous les anciens amis de la reine sont revenus après une disgrâce plus ou moins longue : chacun d’eux compte sur la même faveur qu’autrefois, et ils ne s’aperçoivent pas d’abord que cette reine, qu’ils avaient laissée opprimée par Richelieu, sans enfants et encore Espagnole de cœur, est devenue mère, toute aux intérêts du jeune roi, et une reine toute française.
Il en eut deux enfants : une fille, morte à douze ans, et un fils dont l’éducation devint son occupation principale. […] Un Français, un Allemand et un Anglais seront toujours très inférieurs sous ce rapport, toutes choses égales d’ailleurs en facultés, à un Corse, un Albanais ou un Grec ; et il est bien permis de faire entrer encore en ligne de compte l’imagination, l’esprit vif et la finesse innée qui appartiennent comme de droit aux méridionaux, que j’appellerai les enfants du soleil. […] Il le lui devait ; car, par un retour singulier du sort, ce fut Marmont, si maltraité finalement par Napoléon, qui, le seul de ses maréchaux, eut pour mission comme spéciale de voir son fils, de lui parler de son père, de lui démontrer, cartes en main, cette gloire militaire qui jusque-là n’était, pour l’enfant de Vienne, qu’un culte et qu’une religion.
Son père, obligé de s’expatrier à la suite d’un malheur causé par une imprudence généreuse, s’était établi près de Bourg-en-Bresse ; c’est là que Joseph Michaud, l’aîné des enfants, fit ses études : « Il fut, selon le témoignage de son frère, un excellent rhétoricien : son style avait l’abondance, la solennité semi-poétique, si recommandées par les professeurs aux élèves ; il composait des vers français avec facilité. » Son père mort, et sa mère n’ayant que peu de bien avec beaucoup de famille, il entra dans une maison de librairie à Lyon. […] Enfant, dans les voyages presque annuels qu’il faisait à Boulogne-sur-Mer, j’ai eu plus d’une fois le plaisir d’entendre au dessert son odyssée : et, ce qui me frappait déjà chez un homme qu’on était accoutumé à considérer comme un des chefs du parti royaliste et religieux, c’est qu’il ajoutait que dans sa prison, et se croyant à la veille de périr, il avait fait demander et avait lu, comme livre de consolation, les Essais de Montaigne. […] Après en avoir, l’Évangile en main, rappelé les stations principales et sacrées qui sont dans la mémoire des petits enfants : Je ne suis, continue M.