Sus au livre qui n’est pas drame. […] Lorsqu’un peuple voit représenter les drames de Sophocle ou de Shakespeare, les tragédies de Racine, les comédies de Molière, de Beaumarchais ou de Becque, la nourriture qu’il reçoit toute mâchée est assez substantielle pour compenser le moindre effort d’absorption. […] Il y a d’ailleurs plus d’art et aussi de moralité dans un ballet lumineux, harmonieux et même voluptueux des Folies-Bergère que dans les neuf dixièmes de nos comédies et de nos drames d’adultère des grands et petits théâtres du boulevard. […] Ernest Bovet, Lyrisme, épopée, drame, dont la thèse ingénue et hardie à la fois a quelques chances d’être vraie. […] Député Il y a théâtre et théâtre ; il existe des drames ou des comédies qui me paraissent parmi les plus rares chefs-d’œuvre de l’esprit humain ; j’ajoute tout de suite que ce n’est pas vers eux que se porte généralement « le goût de la société contemporaine » et que l’intérêt manifesté par le public pour tout ce qui touche les acteurs, les chandelles, les planches et les coulisses, n’a rien à voir, selon moi, avec la littérature, ni avec le développement intellectuel de notre civilisation.
Ainsi, en renonçant au théâtre, dès vingt ans il se dit : « Tu es un homme de style, toi, et non dramatique. » On verra pourtant qu’il garda jusqu’au bout et introduisit dans sa chanson quelque chose de la forme du drame. […] Il vit de plus que pour être entendu du peuple, auquel de toute nécessité beaucoup de détails échappent, il fallait un cadre vivant, une image à la pensée dominante, un petit drame en un mot : de là tant de vives conceptions si artistement réalisées, de compositions exquises, non moins parlantes que les jolies fables de La Fontaine ; tant de tableaux si fins de nuances, et si compris de tous par leur ensemble. […] En rentrant, il me raconta ce qu’il venait de voir et ajouta : « Si j’étais Béranger, je ferais de cela une chanson. » Par ce seul mot, Victor Hugo définissait merveilleusement, sans y songer, le petit drame, le cadre indispensable que Béranger anime : qu’on se rappelle Louis XI et l’Orage. […] Et jusque-là, jusqu’à ce grand moment, Avant le soir d’héroïque disgrâce, Du drame entier, dès le commencement, Témoin caché dont je poursuis la trace.
Shakespeare emprunta aux traditions du peuple, aux contes de nourrices, mille traits de ses drames et le sujet d’un grand nombre de comédies. […] Pour elle il eût donné d’imaginaires et magiques tournois ; chaque trouée du taillis aurait connu l’or des armures et dans les fabuleux territoires du Songe des villes eussent été conquises, des peuples de géants domptés ; maintes merveilles somptueuses, maintes prouesses d’héroïsme comme en une haute-lisse assemblées en leurs images, seraient devenues un tapis idéal pour les pieds de la Fiancée et cela, combats, trésors, gloires et joies, eût formé le poème de son âme tout entière, — pur, vaste et noble drame, mélancolique comme l’attente, mystérieux comme la forêt, riche autant que les splendeurs songées, mais triste surtout et résigné, parce qu’Elle n’était point là et ne devait jamais venir. […] Non seulement pour l’action du drame et le cadre où elle se meut ; mais tels détails comme le sang du dragon qui fait entendre les oiseaux, l’histoire de la Peur, etc… Siegfried lui-même est enfant du génie populaire et peut s’affronter avec Tiehl Uylenspiegel par exemple. […] Je ne dis rien de drames comme le Roi s’amuse ; il s’agit de légende et non d’histoire.