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439. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Le gouvernement du doux et pieux Pie VII, souvent persécuté, jamais persécuteur, y était insensible et aimé. […] Heureux les peuples qui ont leur sort dans des mains si pures et si douces ! […] On ne pouvait s’empêcher de chercher encore sur sa figure douce, fine, intelligente et passionnée, les traces de la beauté qui l’avait fait adorer dans un autre âge. […] Le feu doux de la passion mal éteinte illumine encore les traits où elle a resplendi. […] À la place du fer, ce sceptre des Romains, La lyre et le pinceau chargent tes faibles mains ; Tu sais assaisonner des voluptés perfides, Donner des chants plus doux aux voix de tes Armides, Animer les couleurs sous un pinceau vivant, Ou, sous l’adroit burin de ton ciseau vivant, Prêter avec mollesse au marbre de Blanduse Les traits de ces héros dont l’image t’accuse.

440. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Les nuits, plus douces que les jours, Ont enchanté des yeux sans nombre ; Les étoiles brillent toujours Et les yeux se sont remplis d’ombre. […] Comme tout ce qui vient de l’âme, la poésie des Stances et des Vaines tendresses est un peu triste, très douce, toute de nuances, et pour ainsi dire voilée à la façon d’un paysage les jours de brume : — brume légère, il est vrai, où l’on voit filtrer partout la lumière des grands cieux clairs. […] ne vous flattez pas, il pourrait vous surprendre… C’est cette surprise, surprise heureuse et douce, qu’on éprouve en lisant les poètes qui ont à la fois pensé et senti. […] La vie est toujours un effort ; il est doux de sentir par moment cet effort se suspendre, de s’évanouir à soi-même, de se dissoudre comme un rêve. Il est doux de mourir lentement à la vie, de se refroidir au milieu d’un air tiède et lumineux, de sentir toutes choses s’éloigner de soi : une sourdine est mise à tous les bruits de l’univers, un voile jeté sur tout ce qu’il y a de trop éblouissant dans son éclat ; la pensée se fond en un rêve impalpable, en un nuage léger que nulle lueur trop vive ne déchire, et où l’on se cache pour mourir en paix.

441. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

L’oisiveté rêveuse, l’amitié épanchée, l’amour heureux, la causerie familière avec des esprits inattendus et étincelants de verve, la plaisanterie douce, l’ironie légère, le badinage décent, la chanson rieuse, le vin même versé à petites coupes dans les festins sont les muses sans ceintures ( discinctæ , comme disent les Latins), quelquefois même un peu débraillées de cette littérature du plaisir ou du passe-temps. […] Bien des places étaient prises en poésie à cette époque ; l’instinct de son génie naissant, comme aussi l’instinct de son doux caractère, lui dirent qu’il ne fallait déplacer personne, mais qu’il fallait se faire à lui-même, à côté et au niveau de tout le monde, une place neuve qui n’eût pas encore été occupée, et qui, par cela même, n’excitât ni colère ni envie parmi ses rivaux. […] c’est le vent, c’est l’océan immense, C’est un pêcheur qui chante au bord du grand chemin, Et de tant de beauté, de gloire, d’espérance, De tant d’accords si doux, d’un instrument divin, Pas un faible soupir, pas un écho lointain ! […] ………………………………………………………………… ………………………………………………………………… Meurs donc : la mort est douce et ta tâche est remplie ! […] Mort douce et nonchalante, désirée de ceux qui ne craignent ici-bas que la douleur !

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