Reconnaissons d’abord que sur les vingt-quatre pièces il n’en est que quatre qui réalisent encore pour nous, avec une pureté intacte, cette note de poésie pure, ce son, comme écrit Lamartine lui-même dans une lettre intime, « pur comme l’art, triste comme la mort, doux comme le velours » qui lie le sens lamartinien de Méditations à un sens musical (celui du mot dans les programmes de concert) et qu’évoque, dès qu’on le prononce, dans le souvenir de tous, le titre célèbre : ce sont l’Isolement, le Vallon, le Lac de B… (devenu plus tard le Lac tout court) et l’Automne, quatre thèmes en stances pour l’amour et la solitude.
Un jour le père Malebranche entrant chez un jeune homme, qui fut depuis l’illustre chancelier d’Aguesseau, le trouva occupé à lire Thucydide ; sur quoi le bon et doux Malebranche se mit un peu en colère, et reprocha à son jeune ami de ne chercher que des amusements pour son imagination, de s’arrêter comme un enfant à des faits accidentels, qui avaient pu arriver ou n’arriver pas, au lieu de s’occuper de lui-même, de l’homme, de sa destinée, de Dieu, enfin d’idées et de philosophie.
Correspondance de Lamartine, 13 avril 1819] ; et Lamartine écrit à de Maistre, le 17 mars 1820 : « M. de Bonald et vous, Monsieur le Comte… Vous avez fondé une école impérissable de haute philosophie et de politiques chrétiennes… elle portera ses fruits, et ils sont jugés d’avance. » Il a dû peut-être au contact ou à la conversation des de Maistre, des Lamennais et des Bonald cette vigueur et cette fermeté qui l’ont un moment dégagé du vague où il aspirait à se perdre ; et sans eux les Méditations ne seraient peut-être que « pures comme l’air, tristes comme la mort, et douces comme du velours » [Cf. sa lettre du 13 avril 1819].