Au chevalier Baldelli, alors à Paris, elle écrit, le 24 novembre 1803 : « Vous pouvez juger, mon cher Baldelli, de ma douleur par la manière dont je vivais avec l’incomparable ami que j’ai perdu. […] monsieur, quelle douleur ! […] Je sais que vous avez de l’amitié pour moi, et que vous aimiez cet ami incomparable : c’est ce qui fait que je me livre avec vous à ma douleur. » Enfin, le 4 août 1804, à un correspondant qu’on ne nomme pas : « Voilà cinq mois que j’ai perdu cet ami incomparable, et il me paraît que c’est hier ; je le pleure tous les jours, et rien ne pourra m’en consoler.
Sa vie est sans doute exprimée dans ses vers ; elle s’y reflète en éclairs lumineux et brûlants ; elle y éclate en cris d’amour ou de douleur ; mais il m’a semblé, après un premier coup d’œil sur ces autres témoignages manuscrits, qu’il y avait lieu à faire connaître plus en détail non plus le poète, mais la femme, et qu’elle ne perdrait pas à être suivie de près dans ses traverses, dans ses labeurs de chaque jour, et jusque dans les plus touchantes misères de la réalité. […] C’est la douleur constante et son aiguillon, le travail aussi, l’avertissement de poètes plus mâles et à la grande aile, les exemples dont elle profita en émule et en sœur, un art caché qu’elle trouva moyen de mêler de plus en plus à ses pleurs et à sa voix, qui opérèrent cette transformation sensible vers 1834 environ, et qui l’amenèrent sinon à la perfection de l’œuvre, toujours s’échappant et fuyant par quelque côté, du moins au développement et à l’entier essor des facultés aimantes et brûlantes dont son âme était le foyer. […] C’est ainsi que chantait la dernière Valmore dans le ressentiment de ses jeunes et anciennes douleurs.
Sur les fenêtres de mon cœur Deux pâles mains se sont collées Mains de douleur et de malheur, Mains de la Mort, mains effilées. […] Ma douleur regarde la mort, Car l’espoir a fermé sa porte Et tristement, le vent du Nord Souffle sur ma chandelle morte. […] Je me souviens de quelques vers où je montrais des cavaliers en un furieux galop ; mais j’indiquais bien vite qu’ils représentaient « les désirs » et j’obtenais des chants vraiment peu lyriques, tels que ceux-ci : Désirs, guerriers de fer à l’assaut du Bonheur et, plus loin : Lourds Désirs chevauchant l’Espoir vers la Douleur.