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1463. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il y a une progression continue de l’un à l’autre de ces quatre épisodes, le rapt d’Ismène et d’Antigone, à l’épisode II, étant une des dernières douleurs que le vieillard doit encore éprouver ; — la malédiction lancée par Œdipe à Polynice étant une douleur encore qu’il éprouve, et sa dernière intervention dans les affaires du monde des vivants, et enfin, en soi, beaucoup plus dramatique (un père vouant son fils à Némésis) que le simple drame presque matériel qui consiste en ce qu’un père est privé de la présence de ses filles. — Après quoi, il n’y a plus que la mort et l’apothéose à présenter dignement au public. […] Puis Jocaste exhale ses douleurs. […] Douleur !

1464. (1896) Le livre des masques

De cette sensation toute une littérature est née, littérature de douleur, de révolte contre le fardeau, de blasphèmes contre le Dieu muet. […] Venez, le ciel est tout sonore d’invisibles alouettes… C’est la fête de la mort, et l’on dirait dimanche, Tant les cloches sonnent, douces au fond de la vallée ; Les garçons se sont cachés dans les petites allées ; Vous seules devez prier au pied de la tombe blanche… Quelque année, les garçons qui se cachent aujourd’hui Viendront vous dire à toutes la douce douleur d’aimer, Et l’on vous entendra, autour du mât de mai, Chanter des rondes d’enfance pour saluer la nuit.

1465. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

L’explosion d’une douleur physique excite en nous la pitié, le besoin d’assister l’être qui souffre, un sentiment de révolte contre l’iniquité de cette souffrance ; mais la sensation même n’est pas partagée. Au contraire, une douleur morale résignée, intérieure, profonde, qui se traduit à peine au dehors, tout au plus par une larme qui lentement coule sur la joue, nous pénétrera de tristesse ; c’est comme un accord douloureux et prolongé dont nous prenons l’unisson moral. […] Il égaiera sa couleur pour peindre des scènes joyeuses, l’assombrira pour représenter la douleur ou la misère. […] Ainsi derrière l’image qui nous est présentée nous croyons entrevoir dans une perspective illimitée de nouvelles images à l’infini ; dans ces douleurs nous sentons quelque chose de toute la douleur humaine.

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