Là, les individus sont plus effacés, évitent de se mettre en évidence : ils agissent sur les âmes par la direction privée plus que par la prédication publique ; ils trouvent leur plaisir dans le sentiment de l’immense force collective dont ils participent, à laquelle ils contribuent par leur obéissance même, plutôt que dans le libre gouvernement de leurs facultés en vue de l’intérêt divin. […] C’est pourtant ce que semble taire l’orateur quand, pour leur montrer que des témoignages ininterrompus attestent l’institution divine de la confession, il fait défiler devant eux une interminable liste, siècle par siècle, des docteurs qui en ont parlé. […] J’ai dit un moindre crime à l’oreille divine ; Où je l’ai dit, la terre a fait croître une épine, Et je n’ai jamais su si j’étais pardonné.
Lacordaire s’était fait le raisonnement que voici : La société, à mes yeux, est nécessaire ; de plus, le christianisme est nécessaire à la société ; il est seul propre à la maintenir, à la perfectionner : donc le christianisme est vrai, non pas d’une vérité politique et relative, comme l’admettent bien des gens, mais d’une vérité supérieure et divine : toute autre vérité secondaire serait un compromis et une sorte de malentendu indigne et de la confiance de l’homme et de la franchise de Dieu. […] Ou plutôt, laissons de côté les métaphores, il parle le français du xixe siècle à des jeunes hommes du xixe siècle, à ceux dont il voit dans cette nef immense de Notre-Dame les têtes pressées à ses pieds, et à qui il dit : « Vous qui venez ici entendre la parole divine avec un cœur enflé et comme des juges ! […] Il croissait sous la triple garde de ces fortes vertus ; il croissait comme un enfant de Sparte et de Rome, ou pour mieux dire encore, et pour dire plus vrai, il croissait comme un enfant chrétien, en qui la beauté du naturel et l’effusion de la Grâce divine forment une fête mystérieuse que le cœur qui l’a connue ne peut oublier jamais.
La poésie comme la science a une racine abstraite ; la science sort de là chef-d’œuvre de métal, de bois, de feu ou d’air, machine, navire, locomotive, aéroscaphe ; la poésie sort de là chef-d’œuvre de chair et d’os, Iliade, Cantique des Cantiques, Romancero, Divine Comédie, Macbeth. […] Shakespeare n’est pas au-dessus de Dante, Molière n’est pas au-dessus d’Aristophane, Calderon n’est pas au-dessus d’Euripide, la Divine Comédie n’est pas au-dessus de la Genèse, le Romancero n’est pas au-dessus de l’Odyssée, Sirius n’est pas au-dessus d’Arcturus. […] Elle a en elle l’incommensurable et l’innombrable ; elle ne peut être domptée par aucune concurrence ; elle est aussi pure, aussi complète, aussi sidérale, aussi divine en pleine barbarie qu’en pleine civilisation.