J’indique ce que la langue française veut de quiconque prend la plume ; et ces réflexions sur les lois du discours regardent, non ceux qui ont le don du discours, mais ces esprits, en grand nombre, qui peuvent se perfectionner par la culture, et tirer du travail des ressources qui les sauvent du ridicule de mal écrire. […] il n’y va pas seulement de notre vanité, notre vie même peut y être engagée ; car celui qui s’est fait écrivain et qui ne sait ni ne pratique les lois du discours, combien n’est-il pas à la merci des hommes et, des choses ? […] Cette simplicité du discours, cette suite et cette logique que nous voulons dans nos écrivains contre notre propre naturel en quelque sorte, lequel n’est ni si austère, ni si conséquent, ni si ennemi de toute parure et coquetterie que notre langue, ne témoignent-elles pas que nous ne la possédons pas pour nous seuls, et que c’est une langue à l’usage de tous, dont nous n’avons que le dépôt ?
Elle semble s’en échapper comme à son insu, tant l’expression en est soudaine et naïve ; mais regardez bien : il y est amené par la raison, et ce qui éclate tout à coup dans son discours, c’est plutôt la force de la conviction que la surprise. […] Les motifs qui font agir les hommes sont exposés dans des discours que l’historien leur prête, soit sur ouï-dire, soit d’invention. […] Le plus y vient avant le moins, la fin avant le commencement ; plus d’une chose à peine indiquée figure à côté d’une chose terminée, plus d’un trait n’arrive pas au moment précis où la loi du discours le voudrait ; mais tout arrive. […] Quelle force de discours !
Par un principe de justice, nous devons rappeler ici que les Recueils de l’Académie Françoise offrent un grand nombre de Discours de Charpentier, dont quelques-uns sont écrits avec autant de naturel que de force & de bon sens.