Tous les discours des critiques ne mettent pas mieux celui qui n’entend pas le latin au fait du mérite des odes d’Horace, que le rapport des qualitez d’une liqueur dont nous n’aurions jamais goûté, nous mettroit au fait de la saveur de cette liqueur. Rien ne sçauroit suppléer le rapport du sens destiné à juger de la chose dont il s’agit, et les idées que nous pouvons nous en former sur les discours et sur les raisonnemens des autres, ressemblent aux idées qu’un aveugle né, peut s’être formées des couleurs. […] Il ne faut pas se laisser ébloüir aux discours artificieux des contempteurs des anciens, qui veulent associer à leurs dégoûts les sçavans qui ont remarqué des fautes dans les plus beaux ouvrages de l’antiquité.
Les livres d’idées Il y a des livres d’idées, comme le Discours de la Méthode, l’Esprit des Lois, le Cours de Philosophie positive. […] Nous avons pensé, en nous souvenant, à travers les Méditations du Discours de la Méthode et en contrôlant le Discours de la Méthode par les Méditations ; et nous avons fait comme le tour du problème de la connaissance, nous apercevant que notre moyen essentiel de connaître est subordonné à quelque chose que nous ne pouvons pas connaître ; nous apercevant que notre connaissance se résout en foi, soit à elle-même, soit à quelque chose d’inconnaissable.
De là les jugements sommaires, les mots vagues, dont on remplit ses discours et ses écrits. […] Que de narrations, que de discours et de dissertations d’écoliers où coule le développement, gris et mou, où les mots suivent les mots, ternes et flasques, avec une désespérante insignifiance !