Puisque j’ai eu occasion de nommer Parny et que probablement j’y reviendrai peu, qu’on me permette d’ajouter une note écrite sur lui en toute sincérité dans un livret de Pensées : « Le grand tort, le malheur de Parny est d’avoir fait son poëme de la Guerre des Dieux : il subit par là le sort de Piron à cause de son ode, de Laclos pour son roman, de Louvet jusque dans sa renommée politique pour son Faublas, le sort auquel Voltaire n’échappe, pour sa Pucelle, qu’à la faveur de ses cent autres volumes où elle se noie, le sort qu’un immortel chansonnier encourrait pour sa part, s’il avait multiplié le nombre de certains couplets sans aveu.
Plaise aux dieux que ma colère et mon coeur me poussent à déchirer et à manger ta chair crue, tant tu m’as fait de mal. »209 C’est l’âme la plus violente et la plus douce, la plus généreuse et la plus sauvage, mobile et tempétueuse, mais vivante parce qu’elle est complexe et multiple, et poétique, parce qu’elle vit.
Observez-les à une représentation : à voir ces prétendus dieux s’abaisser au rang de bas farceurs, à les voir conduisant à l’agonie sinistre une malheureuse que son amant forçait, malade, à le chercher sous la neige, à six heures du matin, dans les cabarets de barrière, ils éprouvent une telle satisfaction d’eux-mêmes, de leur budget bien réglé, de leurs femmes bien vêtues et de leurs enfants bien casés par « l’ordre, l’économie et le travail utile », qu’ils s’attendrissent.