Les cônes aigus des montagnes pelées du Mâconnais et du Beaujolais, groupés à droite et à gauche comme des vagues de pierre sous un coup de vent du chaos ; sur leurs flancs, de nombreux villages ; à leurs pieds, une immense plaine de prairies semées d’innombrables troupeaux de vaches blanches, et traversées par une large ligne aussi bleue que le ciel, lit serpentant de la Saône, sur lequel flotte, de distance en distance, la fumée des navires à vapeur ; au-delà, une terre fertile, la Bresse, semblable à une large forêt ; plus loin, un premier cadre régulier de montagnes grises, muraille du Jura qui cache le lac Léman ; enfin, derrière ce contrefort des montagnes du Jura, qui ressemblent d’ici au premier degré d’un escalier dressé contre le ciel, toute la chaîne des Alpes depuis Nice jusqu’à Bâle, et au milieu le dôme blanc et rose du mont Blanc, cathédrale sublime au toit de neige qui semble rougir et se fondre dans l’éther, et devenir transparente comme du sable vitrifié sous le foyer du soleil, pour laisser entrevoir, à travers ses flancs diaphanes, les plaines, les villes, les fleuves, les mers et les îles d’Italie.
C’est là que naquit, en effet, Torquato Tasso ; peut-on s’étonner qu’un enfant d’un tel père et d’une telle mère, né et élevé dans un tel séjour, au sein d’une telle félicité et d’une telle poésie, soit devenu le poète le plus tendre et le plus mélodieux de son siècle ?
Cette action se modifia par degrés, devint plus ou moins attachante, plus ou moins vraisemblable.