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2002. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Si Dieu, en effet, est un être déterminé hors de nous, la personne qui croit avoir des rapports particuliers avec Dieu est un « visionnaire », et comme les sciences physiques et physiologiques nous ont montré que toute vision surnaturelle est une illusion, le déiste un peu conséquent se trouve dans l’impossibilité de comprendre les grandes croyances du passé. […] Il se croit en rapport direct avec Dieu, il se croit fils de Dieu. […] Dans les derniers temps de sa vie, Jésus crut que ce règne allait se réaliser matériellement par un brusque renouvellement du monde. […] La morale admirable qu’il tire de la notion du Dieu père n’est pas celle d’enthousiastes qui croient le monde près de finir et qui se préparent par l’ascétisme à une catastrophe chimérique ; c’est celle d’un monde qui veut vivre et qui a vécu. « Le royaume de Dieu est au dedans de vous », disait-il à ceux qui cherchaient avec subtilité des signes extérieurs 223.

2003. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Incapable d’une mauvaise pensée, mais aussi d’une feinte, si elle ne vous aimait pas, il lui était impossible de vous dire ou de vous laisser croire le contraire. « C’était le plus loyal gentilhomme, me dit-on, et qui n’a jamais menti. » Elle aimait ses amis, elle pardonnait à ses ennemis ; mais, dans la religion de sa race et de son malheur, elle croyait aux fidèles et aux infidèles, aux bons et aux méchants : peut-on s’en étonner ? […] Cette jeune fille royale, qui croit naturellement au droit de sa race, veut exprimer par là que la fidélité à ses rois dans le malheur est un devoir et une vertu ; mais, même quand il n’en serait pas tout à fait comme elle le pense, son expression droite et naïve ne l’a point trompée ; elle dit vrai encore : car ce qui n’était plus un devoir de fidélité peut-être, en était un pour le moins d’humanité, et quiconque a passé le seuil du Temple en ces trois années et y a paru compatissant à de telles infortunes, mérite l’estime, de même que quiconque y a passé sans être touché au cœur ni serviable, a une mauvaise marque. […] Mais elle, bien qu’avertie par les généraux, elle ne pouvait croire que cette fidélité fût douteuse, puisque, la veille encore, elle avait reçu de ces hommes, qu’elle considérait comme des braves, des hommages réitérés et des serments. […] Elle aurait considéré comme une profanation et comme un sacrilège l’idée de faire de son malheur et de celui des siens, de sa vertu et de l’intérêt respectueux qu’elle inspirait, un moyen de politique, de succès et d’attrait, même pour ce qu’elle croyait la bonne cause.

2004. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Se rappelant la conversation qu’il avait eue avec Napoléon avant Leipzig, à Düben, le 11 octobre 1813, et que les événements subséquents avaient gravée en traits brûlants dans son souvenir, le maréchal fut très frappé de ce qu’il croyait une coïncidence fortuite ; mais, comme il en parlait à une personne de la Cour, il sut que le jeune prince avait été informé par elle de cette conversation de Napoléon et des traces qu’elle avait laissées dans le cœur du maréchal. […] Le son des cloches des monastères le dispose par avance à croire et le remue. […] En effet, après le premier moment passé, il dédaigna toujours les justifications et les apologies : « Je ne puis paraître vouloir me justifier, disait-il ; je ne veux surtout pas laisser croire que j’en sens le besoin. » Le gouvernement de Juillet ne fut jamais bien pour Marmont ; d’anciens camarades maréchaux mirent peu d’empressement et de bonne volonté à le servir. […] Ces événements du 2 Décembre, qu’il jugeait en homme qui considère avant tout le salut de la société européenne et celui de la patrie, et qui croit « que la civilisation ne marche d’une manière utile et prompte que lorsqu’elle est l’effet de la volonté du pouvoir », contribuèrent pourtant à précipiter sa fin. […] Il crut lire, dans l’avènement et l’affermissement du pouvoir nouveau, un ajournement désormais indéfini de ses espérances : le mal du pays le gagna ; ce cœur si fort fut brisé.

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