Mais, outre qu’il y a dans la surprise un élément intellectuel, — à savoir la claire conscience d’un changement et la pensée d’une cause de ce changement, — le coup pur et simple de la surprise est lui-même un effet dérivé. […] Le vrai coup primitif, ce n’est pas celui dont parle Spencer et qui est tout mécanique, c’est la douleur, c’est le désir entravé, c’est la vie même de l’être se sentant d’une manière immédiate dans son opposition avec le milieu. […] Seule, en cette sphère inférieure de la sensibilité générale, la souffrance peut être déjà très vive à partir du point d’équilibre, parce que l’équilibre y est strictement nécessaire à la conservation : un coup, une brûlure, une colique peuvent immédiatement causer une violente douleur. […] En revanche, les sens supérieurs connaissent moins la souffrance que la simple gêne : une dissonance, un coup de sifflet aigu, des couleurs discordantes, une lumière éblouissante, une odeur désagréable, ne sauraient produire une douleur de l’audition ou de la vision comparable en intensité à celle d’une blessure ou d’une brûlure ; la douleur même des yeux ou des oreilles n’est dans ce cas qu’une espèce de coup et de blessure superficielle. […] C’est que, à en croire de Hartmann, la conscience est « l’étonnement de la volonté » devant une chose qu’elle n’a pas voulue et qui lui révèle tout d’un coup sa dépendance.
J’étais comme un musicien inné à qui l’on ferait entendre pour la première fois un instrument à vent ou à cordes, où ses mélodies intérieures prennent tout à coup une voix réelle. […] XX Tout à coup le père Béquet ferma ses livres grecs et latins. […] Ce petit prologue, prononcé avec l’accent d’un homme qui annonce une bonne nouvelle à son auditoire et qui fait entendre plus qu’il ne dit, réveilla tout à coup notre attention. […] Mais tout à coup la voix tombe, l’oiseau se tait. […] L’oiseau qui a perdu ses petits chante encore ; c’est encore l’air du temps du bonheur qu’il redit, car il n’en sait qu’un ; mais, par un coup de son art, le musicien n’a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur.
… Quand le jeune Audin eut passé sa licence, il se détourna tout à coup du barreau, « obéissant, a dit un de ses biographes, à cette timidité naturelle, venant d’une modestie extrême, qu’il conserva jusqu’à sa mort, et qui, même après tous ses succès, paralysait cet esprit si vif, si pénétrant, devant des étrangers, étonnés qu’on pût ignorer ainsi sa propre valeur ». […] Lorsqu’on arrivera aux détails personnels de l’histoire, Charles IX, Catherine de Médicis et le cardinal de Lorraine prendront chacun leur part dans ce conseil suprême qui précéda une exécution impossible à empêcher, et dont la Haine a fait plus tard un guet-apens ; mais les hommes qui ont le sentiment des nécessités politiques ne s’abaisseront jamais à reprocher à ces trois têtes, jusqu’à présent maudites, d’avoir voulu transformer un coup de peuple en coup d’État. […] Écoutez : Elles ont porté à la réforme le coup de grâce. […] Il n’y a plus, il est vrai, de ces ingénieuses ou éloquentes digressions qui vous saisissent tout à coup, comme la Main mystérieuse prenait le prophète par la chevelure, et vous enlèvent au récit pour vous y ramener ; et on les regrette, non dans l’intérêt de l’art, cette voluptueuse bagatelle de l’esprit, mais dans l’intérêt d’une chose plus grande que l’art, et devant laquelle tout ce qui est de cette vie défaille, — la conquête des âmes à Dieu. […] Pour faire obéir cette nation si fière, la fille d’Henri VIII n’avait qu’à montrer ce fouet de chasse dont les Anglais connaissaient les coups.