Le fait est qu’on désirait bien rétablir les Grisons dans la Valteline, mais qu’au moment de le faire on craignait que ce coup d’autorité ne fût le signal d’une rupture générale, et on reculait. […] Combattant vaillamment à l’aile droite (28 février 1638), il reçut dans l’action deux coups de mousquet, l’un au pied, l’autre à l’épaule, et fut un instant prisonnier : mais on le reprit avant la fin de la journée.
L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ? […] Frédéric, dans les singuliers vers qu’il rimait vaille que vaille dans les courts entractes des combats, et qui couraient ensuite presque autant que des bulletins, avait manifesté un dessein plus antique que moderne : c’était, après avoir tenté un dernier grand coup, de ne point survivre à sa ruine, de se donner la mort.
C’est ce qui est arrivé au cardinal de Retz, le prince de ces narrateurs brillants qui mettent partout la vie et chez qui, à tout coup, l’imagination fait tableau. […] Il a même le dessein de faire casser le mariage de son fils, le Grand Condé, avec la nièce du cardinal, de le faire déclarer nul ; et quand il naît un fils de ce mariage (26 juillet 1643), il ne peut contenir sa honteuse douleur : Mme la comtesse de Morel, qui était présente au travail de la duchesse d’Enghien, a raconté que lorsqu’on annonça que c’était un garçon, l’on vit M. le prince et Mme la princesse changer de visage comme ayant reçu un coup de massue, et qu’ils en témoignèrent très grande douleur ; que Mme la princesse à qui l’on présentait plusieurs nourrices avait dit qu’il ne fallait point choisir, que la première était bonne pour ce que c’était.