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825. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Ils sentent leur dignité et font corps avec la famille humaine. […] XXIV C’est là tout le tableau ; c’est-à-dire ce sont là tous les personnages ; mais l’expression profonde, variée, naïve, et pourtant auguste, de toutes ces figures ; mais les attitudes, ces physionomies du corps ; mais les costumes, ces draperies de la statue animée de l’homme et de la femme ; mais le geste, cette langue du silence ; mais l’ombre, cette contre-épreuve de la réalité des personnages ; mais le jour, cet élément de la couleur ; mais l’horizon, cet infini de la toile ; mais l’air, cet élément impalpable qu’en ne doit voir qu’on ne le voyant pas, quelle plume pourrait donner l’impression d’un tel pinceau ? […] Son corps est indiqué au passant par une simple pierre où ses amis ont gravé son nom. […] La critique, qui constate la gloire comme l’ombre constate le corps quand il y a du soleil en haut, n’a pas cessé non plus de protester contre notre enthousiasme à nous ignorants ; mais l’ignorance aura le dernier mot, car elle est l’instinct des sens et de l’âme. […] Sans doute il y a eu et il y a, aujourd’hui surtout, en France, où une génération de grands peintres prépare un second siècle de Léon X, en deçà des Alpes, il y a des peintres qui peignent, comme Géricault, ou dessinent, comme Michel-Ange, avec le crayon fougueux et infaillible qui calque les formes du Créateur, qui sculpte la charpente des os et des muscles du corps humain ; il y en a qui ont ravi à Titien le coloris, à Raphaël la grâce, à Rubens l’éblouissement et l’empâtement profond, délayés dans des rayons par leurs pinceaux ruisselants ; il y en a qui font nager, comme Huet, leurs paysages, sévèrement réfléchis par un œil pensif, dans les lumières sereines de Claude Lorrain ou dans les ombres transparentes de Poussin ; il y en a qui pétrissent, comme Delacroix, en pâtes splendides, les teintes de l’arc-en-ciel sur leurs palettes ; il y en a qui, comme Gudin, font onduler la lumière et étinceler l’écume sur les vagues remuées par le souffle de leurs lèvres ; il y en a, comme Meissonier, qui donnent aux scènes et aux intérieurs de la vie domestique l’intérêt, la réalité, le pittoresque et le classique de la peinture héroïque ; il y en a qui, comme mademoiselle Rosa Bonheur, transportent avec une vigueur masculine, sur la grande toile, les pastorales de Théocrite, les chevaux de charrette ou les taureaux fumants dans le sillon retourné par le soc luisant ; il y en a qui, comme les deux Lehmann, dont le plus jeune, dans sa Graziella écoutant le livre qu’on lui lit à la lueur du crépuscule, sur la terrasse de l’île de Procida, au bord de la mer, semblent avoir retrouvé sur leur palette l’âme mélodieuse de Léopold Robert.

826. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

C’était un homme tendre, pieux et un peu mystique, qui s’occupait de l’âme de ses malades autant que de leur corps. […] » dit-il à son cocher qui étendait le corps inanimé de sa maîtresse sur le gazon du bord de la route. […] Là où je découvre un corps, je pressens une intelligence ; là où je remarque un mouvement, je devine une pensée motrice. […] Je le sais, je serai seule avec moi-même comme je me suis trouvée seule aujourd’hui sur le rivage où mourut Günderode ; seule sous les tristes saules où la mort frissonne encore, sur cette place où l’herbe ne croît plus ; c’est là qu’elle a meurtri son beau corps ! […] L’homme souffre encore en lui, mais l’artiste ne souffre plus, semblable au martyr qui jouit dans sa foi pendant qu’il gémit dans son corps.

827. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Quand il veut demeurer en place, il porte sa queue presque droite, et tout son corps s’agite par brusques secousses ; mais bientôt il repart en faisant de petits sauts, s’aidant en même temps des ailes, et s’accompagnant de son rapide et continuel chit, chit. […] Tout à coup elles se jettent le corps contre la branche, s’y accrochent avec leurs pattes, puis, par une brusque secousse, la cassent net, et se renvolent en l’emportant à leur nid. […] Il y répond par un battement d’ailes, par une inclination de tout son corps et par un glapissement dont la discordance et l’éclat ressemblent au rire d’un maniaque. […] La femelle avertit le mâle, par un appel composé de deux notes ; tout le corps de l’aigle frémit ; deux ou trois coups de bec dont il frappe rapidement son plumage le préparent à son expédition. […] Le mouvement précipité de ses deux ailes suffit à peine à soutenir la masse de son corps ; et ses pattes, qui se reploient sous sa queue, disparaissent à l’œil.

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