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307. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

La première de ces conceptions, c’est que notre corps est en réalité une société de cellules qui ont chacune leur activité propre et luttent entre elles pour la vie. […] Les animaux inférieurs, pour se propager, doivent se détruire eux-mêmes : le corps se séparant en deux ou plusieurs, l’individualité du parent se perd dans celle des descendants. […] Ce qu’il faudrait savoir, c’est ce qui, dans une cellule ou un nerf, cause le rudiment du plaisir ou de la peine, pour s’étendre ensuite à l’ensemble du corps vivant. […] La continuation et l’amas de ces demi-plaisirs, « comme dans la continuation de l’impulsion d’un corps pesant qui descend et acquiert de l’impétuosité », devient enfin un plaisir entier et véritable. […] De même, si le corps est à la température normale et neutre, le chaud ou le froid ne lui causera qu’un très léger agrément.

308. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Causerie du docteur Robin donnant des détails relatifs à des expériences saisissantes et de haute terreur, sur des décapités, sur des corps d’hommes sans tête, qui, au bout de quarante-cinq minutes de mort, portent la main, avec un mouvement de vivant, à leur poitrine, à l’endroit où on les pince, et beaucoup d’autres épreuves venant à l’appui d’une théorie sur l’indépendance du cerveau et du cœur. […] Il me tâte, il me retourne, il m’ausculte, il me fait sonner le corps et la place de mes maux, y retrouvant l’arriéré de vingt années anti-hygiéniques de vie littéraire. […] À cette phrase deux cris, et le bruit d’un corps qui cogne sur du bois : c’est la maîtresse du condamné qui s’évanouit. […] Il nous conte que, dans la soirée de Magenta, son corps, qui n’avait pas donné dans la journée, fut placé dans un endroit couvert de morts et de blessés, et que ce contact de douze heures avec l’horreur des cadavres et, que toute cette nuit passée, l’arme au bras, sur le démoralisant ouvrage d’une grande bataille, fit que le matin une partie de ce corps, à la première canonnade, se laissa aller à la débandade. […] À ce propos, il nous raconte qu’il avait envie d’un alezan doré, que lui avait enlevé le général Patrat, et sur lequel il fut tué à Palestro, coupé en deux par le dernier boulet tiré par l’artillerie autrichienne ; dans cette affaire, où pas un homme de son corps ne fut blessé.

309. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Le corps humain S’agit-il de représenter le corps humain ? […] Puis on ose détacher un peu les bras du corps, les replier légèrement dans une position plus aisée. […] Il faudra qu’il donne un corps à ces âmes dont le romancier nous a décrit minutieusement la psychologie, et que ce corps soit en parfaite harmonie avec ces âmes. […] Mais le dieu Thoth à tête d’ibis ne se tient pas ; les deux formes ne peuvent se greffer l’une sur l’autre ; cette petite tête, avec son cou ridé et grêle, ne se soudera pas au corps humain : il lui faudrait, pour la continuer, un corps d’échassier. […] Une sorte de canonnier à corps d’écrevisse met par derrière le feu à un dragon cuirassé qui vomit des hallebardes.

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