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1005. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Vous m’embarrassez fort ; car je dois convenir Que ses plus grands fauteurs n’ont pu le définir.

1006. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

On raconte que, le lendemain de son arrivée à Paris, déjeunant en tête-à-tête avec son père, qui le regardait fixement et en silence, tout à coup le naïf savant s’échappa à dire : « C’est drôle, Jean-Jacques, j’aurais cru que ça m’aurait fait plus de plaisir de te revoir. » Un verre d’eau fraîche, jeté brusquement au visage, ne ferait pas, convenons-en, un autre effet. […] Je ne dirai rien des autres collaborateurs, distingués à leur manière, mais d’une distinction plus spéciale et plus confinée, et à qui pareille mission eût évidemment moins convenu : Charles Magnin, littérateur casanier, esprit tout français, qui ne s’émancipa que la plume à la main, peu à peu et par degrés ; M.  […] Nisard a oubliés dans une première édition, et il les a oubliés uniquement parce qu’ils n’étaient pas sur la grande route ; mais quand on lui a fait remarquer cet oubli, il n’a eu garde d’en convenir et de revenir. […] Ce sont là, il faut en convenir, de hauts dilettantismes de l’esprit et à la portée d’une rare élite. […] J’éprouve aujourd’hui presque des remords de n’avoir pas insisté davantage, en 1822, quand je possédais pleinement le cœur de Fauriel, pour qu’il abandonnât cet ouvrage historique (l’Histoire de la Gaule méridionale) auquel il convenait imparfaitement, et se consacrât tout entier à la poésie primitive, spontanée, populaire, de tous les temps et de tous les pays.

1007. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Malgré la défaveur qui s’attache à cet aveu dans un temps d’emphase générale et de flatterie humanitaire, il m’est impossible de n’en pas convenir : tant que nous n’aurons pas une humanité refaite à neuf, tant que ce sera la même précisément que tous les grands moralistes ont pénétrée et décrite, celle que les habiles politiques savent,  —  mais au rebours des moralistes, sans le dire,  —  il y aura témoignage, avant tout, d’intelligence à dominer par la pensée les conjonctures, si grandes qu’elles soient, à s’en tirer du moins et à s’en isoler en les appréciant, à démêler sous l’écume diverse les mêmes courants, à sentir jouer sous des apparences nouvelles, et qui semblent uniques, les mêmes vieux ressorts. […] Tous ceux qui raisonnent reconnaîtront les avantages que nous devons à la flotte française et au zèle de son commandant ; mais, dans un gouvernement libre et républicain, vous ne pouvez comprimer la voix de la multitude ; chacun parle comme il pense, ou pour mieux dire sans penser, et par conséquent juge les résultats sans remonter aux causes… C’est la nature de l’homme que de s’irriter de tout ce qui déjoue une espérance flatteuse et un projet favori, et c’est une folie trop commune que de condamner sans examen. » Comme complément et correctif de ce jugement de Washington sur les gouvernements républicains, il convient de rapprocher ce passage d’une lettre de lui à La Fayette, écrite plusieurs années après (25 juillet 1785)  : il s’agit de la nécessité qui se faisait généralement sentir à cette époque, parmi les négociants du continent américain, d’accorder au Congrès le pouvoir de statuer sur le commerce de l’Union : « Ils sentent la nécessité d’un pouvoir régulateur, et l’absurdité du système qui donnerait à chacun des États le droit de faire des lois sur cette matière, indépendamment les uns des autres. […] La Fayette, qui s’était voué, comme à une spécialité, au triomphe de quelques principes généreux, a pu ne dire dans sa longue carrière et ne paraître connaître de la majorité des hommes, même après l’expérience, que ce qui convenait au noble but où il les voulait porter. […] J’en extrais toute la conclusion78 : « Guerre et politique, voilà deux champs de gloire où Bonaparte exerce une grande supériorité de combinaisons et de caractère ; non qu’il me convienne comme à ses flatteurs de lui attribuer cette force nationale primitive qui naquit avec la Révolution et qui, indomptable sous les chefs les plus médiocres, valut tant de triomphes aux grands généraux, ou que je voulusse oublier quand et par qui furent faites la plupart des conquêtes qui ont fixé les limites de la France ; mais, parmi tant de capitaines qui ont relevé la gloire de nos armes, il n’en est aucun qui puisse présenter un si brillant faisceau de succès militaires. […] Celui-ci, tout effrayé pour Sieyès, en dit un mot à l’oreille aux quelques amis républicains, et il fut convenu de ne pas donner lecture de la pièce sans le consulter.

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