La préface des Feuilles d’Automne, publiée en 1831, le montre hésitant, il avait noué des relations avec de jeunes et ardents républicains qui, pour l’attirer, le flattaient : ainsi la Biographie des contemporains de Rabbe, dit que « Hugo avait chanté les trois jours dans les plus beaux vers qu’ils avaient inspirés ». […] Parfois les générations futures ne ratifient pas les jugements des contemporains. Mais la critique historique qui n’admire ni ne blâme, mais essaye de tout expliquer, adopte l’axiome populaire, il n’y a pas de fumée sans feu ; elle pense que l’écrivain acclamé par ses contemporains, n’a conquis leurs applaudissements que parce qu’il a su flatter leurs goûts et leurs passions, et exprimer leurs pensées et leurs sentiments dans la langue qu’ils pouvaient comprendre.
Pour le comprendre il fallait comprendre préalablement l’esprit français contemporain. […] Quand on a lu Ronsard, Malherbe, les imitations bibliques de Jean-Baptiste Rousseau, quelques strophes de Pompignan, quelques stances inimitées et inimitables de Gilbert, quelques odes vraiment pindariques de Lebrun, enfin les odes d’Hugo et de ses contemporains de notre âge, on ne peut plus dire que le Français n’a pas l’âme lyrique. […] Boileau a immensément contribué à lui conquérir et à lui maintenir incontestablement ces trois modestes mais solides supériorités sur les littératures des nations contemporaines.
L’historien contemporain Orose décrit et déplore l’anéantissement de ces trésors de la mémoire. […] VII Mais, pendant que ce sombre proscrit, à la taille haute et courbée, au visage long et pâle, à l’œil voilé par la réflexion intérieure, comme ses contemporains le décrivent, pendant que cet hôte des ennemis de sa patrie errait ainsi de ville en ville et de mers en forêts, regrettant sa maison rasée par son peuple, il couvait deux choses immortelles dans son front cave : sa gloire et sa vengeance. […] Rien n’était plus célèbre, au dix-huitième siècle, que les songes de sainte Perpétue et de saint Cyprien, le pèlerinage de saint Macaire Romain au paradis terrestre, le ravissement du jeune Albéric, le purgatoire de saint Patrick et les courses miraculeuses de saint Brendan. — Ainsi de nombreux exemples et toutes les habitudes littéraires contemporaines nous montrent les régions éternelles comme la patrie de l’âme, comme le lien naturel de la pensée.