Ses amis le considèrent avec stupeur. […] Si moi, par exemple, j’affranchissais mes nègres, je pourrais me considérer comme ruiné, et je n’ai pourtant que deux cent esclaves. […] Aussi la plainte d’un mari n’est-elle admise, judiciairement, qu’après une constatation évidente, et, comme on dit en vénerie, pour juger le délit, il faut l’avoir vu par corps ; autrement, le plaignant court le risque d’être considéré comme un vantard.
Cette première excuse une fois admise, on voudra bien considérer qu’il y a en elle plus de la nature du poète que de celle du législateur, qu’elle ne se sent pas la force d’être un réformateur ; qu’il lui est arrivé souvent d’écrire lois sociales à la place des vrais mots, qui eussent été les abus, les ridicules, les préjugés et les vices du temps, lesquels lui semblent appartenir de plein droit à la juridiction du roman, tout aussi bien qu’à celle de la comédie. […] Mais faut-il sacrifier à ce genre unique tous les autres genres et en particulier celui qui considère le roman comme une œuvre à la fois d’analyse et de poésie, comme George Sand le définissait d’instinct ? […] Tu la considères comme un but, elle n’est qu’un effet… La suprême impartialité est une chose antihumaine ; un roman doit être humain avant tout.
Peut-être même, si on le considère dans l’ensemble et dans la variété de ses ouvrages, est-il permis de voir en lui le premier écrivain du monde ; et, quoique les créations les plus sublimes et les plus originales de l’art d’écrire, appartiennent à Bossuet et à Pascal, Cicéron est peut-être l’homme qui s’est servi de la parole avec le plus de science et de génie, et qui, dans la perfection habituelle de son éloquence et de son style, a mis le plus de beautés et laissé le moins de fautes. […] La corporation de la ville de Londres, de tout temps ennemie des comédiens par sévérité puritaine, voyait avec impatience que le quartier de Black-Friars, où était leur principal établissement, fût considéré comme hors de son enceinte, et soustrait à sa juridiction. […] Mais, si l’on considère Shakspeare à part, sans esprit d’imitation et de système, si l’on regarde son génie comme un événement extraordinaire, qu’il ne s’agit pas de reproduire, que de traits admirables ! […] Ainsi considéré, ce sujet paraîtra le plus grand que l’imagination ait eu jamais à choisir : il a pour premier caractère d’embrasser l’intérêt, non pas d’une famille ou d’un peuple, mais de l’humanité entière ; sorte de grandeur que l’imagination ne trouve dans aucune autre épopée. […] Mais si la renommée à venir de Byron dépend, pour ainsi dire, du bon sens futur de l’Europe, et doit gagner ou perdre en proportion des erreurs ou des vérités qui prévaudront chez les peuples, son talent en lui-même dépend surtout des passions de sa vie ; et sous ce rapport il n’est pas d’écrivain peut-être dont la biographie soit aussi nécessaire à l’intelligence de ses ouvrages, et pas de poète qu’il faille considérer davantage comme le héros de roman de ses propres écrits.