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1131. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Ce fut d’ailleurs un homme de conscience. […] … Justement la philosophie, à mesure qu’elle se détachait davantage de la religion, était prise d’une rage de moraliser et de diriger les consciences. […] Je vous avertis d’ailleurs que Beauchamps avait parfaitement conscience de la « nouveauté » de sa pièce. […] Il a clairement conscience de l’effet que doit produire sa manie sur ceux qui ne la partagent point ; mais il s’y tient quand même, car elle lui est plus chère que tout. […] Type très humain de criminel sans bassesse d’âme, de traître inquiet puni par sa trahison même et, dès avant sa trahison, par sa conscience.

1132. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

« Le Dieu de la conscience, disait-il, n’est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire relégué par-delà la création sur le trône d’une éternité silencieuse, c’est un Dieu à la fois vrai et réel, à la fois substance et cause, un et plusieurs, individualité et totalité, au sommet de l’être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est à dire à la fois Dieu, nature et humanité. — Mais c’est le panthéisme ! […] Le langage de tous les acteurs du drame est d’une élégance uniforme… ce chancelier de l’Hôpital, ce personnage demi-gaulois, demi-romain, cette longue barbe blanche qui imposait aux jeunes courtisans, cet homme d’une conscience si ferme, qui, avec ses expressions fortes et familières troublait Catherine de Médicis et la faisait hésiter sur une mauvaise action, que fait-il dans le drame de Chénier ?

1133. (1898) Essai sur Goethe

Rousseau, surtout, a mis dans son livre toutes les angoisses de sa conscience tourmentée, poursuivie, hantée par un éperdu besoin de justifier sa vie, en lequel on a vu bien injustement l’orgueil de se glorifier. […] Surtout, je ne crois pas qu’on ait jamais expliqué avec plus de clarté comment, au cours de cette période, les écrivains allemands, jusqu’alors dépendants des nôtres, se détachèrent d’eux pour acquérir leur conscience et leur originalité. […] Les méchants régneront par la ruse, et le noble cœur tombera dans les filets. » Pas un doute sur la légitimité de ses actes n’importune sa conscience. […] Raisons excellentes qui achevèrent de décider Goethe au départ : Quand Merck se fut éloigné, raconte-t-il, je me séparai de Charlotte, la conscience plus pure qu’en quittant Frédérique, mais non sans douleur. […] Dans la suite, un poète, Allemand aussi, mais d’esprit limpide, devait dire beaucoup plus simplement : « Avec ma grande douleur, j’ai fait de petites chansons. » Des milliers de poètes, de tous les temps, de toutes les races, en ont usé de même : les uns avec conscience, les autres emportés par leur instinct, par la force mystérieuse qui, dans leurs âmes privilégiées, transforme en nobles pensées, en belles images, en rimes sonores, la pauvre matière humaine de leurs peines.

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