/ 3655
1607. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Il y avait quatre enfants en bas âge ; elle était l’aînée, et elle se dit que c’était à elle de faire l’office de chef de famille, de s’occuper de ses frère et sœurs, de es élever : elle le fit si bien et avec tant de suite, que bientôt elle n’était connue dans le quartier que sous le nom de la petite mère. […] La charité ne connaît pas de drapeau. […] Mme Navier avait directement connu Mme Scheffer dans l’une de ces circonstances intimes qui rapprochent. […] Écoutons un témoin fidèle, l’institutrice de l’endroit, dans son langage le plus simple : « Quoique ne se plaignant jamais, M. l’abbé s’est trouvé souvent dans le besoin ; je lui ai, de mes épargnes, acheté par trois fois une soutane, et je connais un monsieur qui lui a acheté souliers et chapeau. […] J’aurais cru manquer de goût et de mesure en me permettant la moindre allusion publique à un livre dont le personnage type n’est point suffisamment connu, et n’est pas apprécié comme il pourrait l’être ; mais il n’est aucun des lecteurs du roman auquel ne soit venu en idée, en m’entendant célébrer le bon curé de Laviron, cet autre curé, si touchant et si respectable, honneur et douleur de la famille des Courbezon ; et je suis bien sûr de ne point manquer au respect que j’ai pour mon sujet, en glissant ici cette note qui satisfera les littérateurs et que comprendront les moralistes.

1608. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Cependant le Gouvernement aurait bien tort de s’exagérer les conséquences de cet état de choses : la nation a été horriblement tourmentée ; elle jouit avec délices du repos qui lui est enfin donné ; mais l’expérience de tous les temps nous fait connaître que ce repos même peut devenir funeste à ceux qui la gouvernent. […] Mais en y réfléchissant, il me vient de grandes hésitations à traiter le sujet de cette manière : ainsi envisagé, l’ouvrage serait une entreprise de très-longue haleine ; de plus, le mérite principal de l’historien est de savoir bien faire le tissu des faits, et j’ignore si cet art est à ma portée : ce à quoi j’ai le mieux réussi jusqu’à présent, c’est à juger les faits plutôt qu’à les raconter ; et, dans une histoire proprement dite, cette faculté que je me connais n’aurait à s’exercer que de loin en loin et d’une façon secondaire, à moins de sortir du genre et d’alourdir le récit. […] Nous ne sommes d’ailleurs pas au bout de cette sorte de confession intellectuelle, la plus curieuse et la plus détaillée que je connaisse : « A cette première manière d’envisager le sujet, poursuis l’auteur, en a succédé dans mon esprit une autre que voici : il ne s’agirait plus d’un long ouvrage, mais d’un livre assez court, un volume peut-être ; je ne ferais plus, à proprement parler, l’histoire de l’Empire, mais un ensemble de réflexions et de jugements sur cette histoire ; j’indiquerais les faits sans doute et j’en suivrais le fil, mais ma principale affaire ne serait pas de les raconter ; j’aurais, surtout, à faire comprendre les principaux, à faire voir les causes diverses qui en sont sorties ; comment l’Empire est venu, comment il a pu s’établir au milieu de la société créée par la Révolution ; quels ont été les moyens dont il s’est servi ; quelle était la nature vraie de l’homme qui l’a fondé ; ce qui a fait son succès, ce qui a fait ses revers ; l’influence passagère et l’influence durable qu’il a exercée sur les destinées du monde, et en particulier sur celles de la France. […] A titre de pièce d’anatomie psychologique, je ne connais de comparable à cette lettre que celle que M.  […] Je ne puis m’empêcher de croire qu’il existe pour nous beaucoup de points de contact et qu’une sorte d’intimité intellectuelle et morale ne tarderait pas à régner entre vous et moi, si nous avions l’occasion de nous mieux connaître.

1609. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Un grand et admirable érudit, un complet humaniste et un critique supérieur, Heyne, avait repris à temps, un siècle à peine après le Père de La Rue, toutes les questions concernant le divin poète qui n’avait cessé d’être présent et bien connu ; et précisément à la même époque où Wolf méditait ou proclamait sa révolution sur Homère, Heyne achevait de donner sa seconde, puis bientôt sa troisième édition du Virgile monumental où tout est rassemblé, éclairci, prévu en quelque sorte, et où il semble qu’il n’y ait plus que d’insignifiants détails à ajouter ou à corriger. […] Elle le connaît, en effet ; elle l’a abordé dans l’original ; et ceci me remet en mémoire une phrase charmante d’une de ses lettres, écrite vers la fin de 1848 où au commencement de 1849, dans un temps où on la croyait plus occupée qu’elle ne l’était de politique. […] Sur ces entrefaites, lord Carteret, nommé vice-roi d’Irlande, arriva à Dublin (octobre 1724), et son premier acte fut de publier une proclamation promettant 300 liv. st. à celui qui lui nommerait l’auteur des Lettres d’un Drapier, que tout Dublin connaissait : l’imprimeur avait déjà été arrêté. Le lendemain lord Carteret (depuis comte de Granville) tint son premier lever : Swift s’y présenta pour rendre ses devoirs au vice-roi, qu’il avait fort connu en Angleterre dix ans auparavant. […] Lord Carteret le laissa dire, et quand il eut fini, au milieu de la stupeur générale, il se contenta de lui répondre tranquillement : Res duræ et regni novitas me talia cogunt Moliri………………… — Autre anecdote, une anecdote politique fort belle, qu’on ne sera pas fâché de connaître dans ses détails, et qui nous mène également à une noble citation de Virgile : « En 1765, le roi George III voulait se débarrasser à tout prix de son premier ministre George Grenville, qui ne le laissait pas gouverner.

/ 3655