Elle examine d’abord les raisonnements les plus compliqués, et par des décompositions successives, résolvant ce qui est plus complexe dans ce qui l’est moins, descendant toujours vers ce qui est simple, primitif, irréductible, elle arrive finalement aux principes constitutifs et aux conditions indispensables de toute pensée. […] Dans notre marche régressive, nous descendons d’un phénomène intellectuel à celui qui en est la condition immédiate et l’appui. […] Bref, « la perception visuelle ou tactile de chaque attribut statique du corps est résoluble en perceptions de positions relatives qui sont acquises par le mouvement. » Passons maintenant de la perception des objets réels, étendus, à la perception de l’espace qui en est le réceptacle, et du temps qui en est la condition. […] Le rapport le plus simple que l’intelligence puisse percevoir, c’est un rapport de séquence ou de succession ; c’est là le rapport primordial qui constitue le fond même de la conscience, et par conséquent la condition de toute pensée, c’est le changement, la succession, la dissemblance. […] « Nous avons vu que la condition sous laquelle seule la conscience peut commencer d’exister, c’est la production d’un commencement d’état, et que ce changement d’état engendre nécessairement les termes d’un rapport de dissemblance.
C’est ainsi que graduellement s’est faite, au dix-septième siècle, la révocation de l’édit de Nantes, article par article, comme un tour d’estrapade après un autre tour d’estrapade, chaque persécution nouvelle achetée par une largesse nouvelle, en sorte que, si le clergé aide l’État, c’est à condition que l’État se fera bourreau. […] Ici encore la noblesse s’est laissé dérober l’autorité, l’action, l’utilité de sa charge, à condition d’en garder le titre, la pompe et l’argent109. […] Un tel régime ne va point sans une attention toujours tendue, sans une énergie infatigable, sans un discernement infaillible, sans une sévérité militaire, sans un génie supérieur ; à ces conditions seulement on peut changer vingt-cinq millions d’hommes en automates, et substituer sa volonté partout lucide, partout cohérente, partout présente, à leurs volontés que l’on abolit. […] Il bâtit, il reçoit, il donne des fêtes, il chasse, il dépense selon sa condition De plus, étant maître de son argent, il donne à qui lui plaît, et tous ses choix sont des grâces
Le droit public européen, qui reconnaît toute souveraineté du peuple dans l’intérieur de ses limites nationales, ne reconnaît pas de même au peuple le droit de changer sa condition nationale à l’extérieur, c’est-à-dire le droit de se détacher du groupe national dont il fait partie pour aller accroître par une annexion, fût-elle volontaire ou capricieuse, le poids et la force d’une autre souveraineté voisine dont elle change ainsi la constitution européenne au détriment de l’Europe entière et au grand danger des nations limitrophes. […] Une monarchie piémontaise ne peut donc être la condition et la forme d’une Italie libre, indépendante et inviolable aux réactions militaires et politiques de l’Europe ; l’Angleterre seule y gagnera une péninsule menaçante, des ports et des forteresses contre les armées et la marine de la France ; mais est-ce à la France de se trahir elle-même, en livrant au prix du sang français une péninsule de plus, et une péninsule limitrophe à la merci de l’Angleterre ? […] Toutes ces conditions sont des conditions de dépendance, d’hostilité et d’instabilité prochaine pour l’Italie.