C’est à la même idée que tenait l’apothéose de leurs prédécesseurs ; la fantaisie de se faire adorer de leur vivant ; les temples qu’on leur élevait dans toutes les parties de l’empire ; la multitude énorme de statues d’or et d’argent, de colonnes et d’arcs de triomphe ; le caractère sacré imprimé à leurs images et jusqu’à leurs monnaies ; le titre de seigneur et de maître que Tibère même avait rejeté avec horreur, et qui fut commun sous Domitien ; la formule des officiers de l’empereur, qui écrivaient, voici ce qu’ordonne notre Seigneur et notre Dieu 50 ; et quand les princes, par les longs séjours et les guerres qui les retenaient en Orient, furent accoutumés à l’esprit de ces climats ; la servitude des mœurs, l’habitude de se prosterner, consacrée par l’usage et ordonnée par la loi. […] Gaulois, Germains, Espagnols, Sarmates, tous se précipitaient dans la patrie commune.
Les Romains célébraient les mariages par l’emploi solennel de l’eau et du feu : parce que les premiers mariages furent contractés naturellement par des hommes et des femmes qui avaient l’eau et le feu en commun, comme membres de la même famille, et dans l’origine comme frères et sœurs. […] Ce respect du foyer domestique était commun aux barbares du moyen âge, puisque même au temps de Boccace, qui nous l’atteste dans sa Généalogie des dieux, c’était l’usage à Florence, qu’au commencement de chaque année, le père de famille assis à son foyer près d’un tronc d’arbre auquel il mettait le feu, jetait de l’encens et versait du vin dans la flamme ; usage encore observé, par le bas peuple de Naples, le soir de la vigile de Noël.
La langue savante se francisait en langue commune. […] d’une source d’erreur assez commune. […] Léon Dierx n’a rien de commun avec les artistes récents — se trompent-ils ? […] Mais, grâce à une clairvoyance particulière, — une clairvoyance d’illuminé, — il démêlait, dans les choses communes, ce que n’y voient point les âmes communes ; il emportait la réalité dans sa pensée pour l’y sublimiser. […] En parlant ainsi, je ne crois pas me laisser décevoir par l’illusion d’une amitié née en des rêves communs, fortifiée en des luttes communes, et demeurée fervente à travers le longtemps.