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577. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

J’en fus très-satisfait, et je commençai aussitôt l’Expédition nocturne ; mais mon frère, à qui je fis part de mon dessein, m’en détourna : il m’écrivit que je détruirais tout le prix que. pouvait avoir cette bluette, en la continuant ; il me parla d’un proverbe espagnol qui dit que toutes les secondes parties sont mauvaises, et me conseilla de chercher quelque autre sujet : je n’y pensai plus. » En relisant cet agréable Voyage, on apprend à en connaître l’auteur mieux que s’il se confessait à nous directement : c’est une manière de confession d’ailleurs, sous air de demi-raillerie. […] nous faisions, ma rose et moi, une fort triste figure… Au moment où la parure commence, l’amant n’est plus qu’un mari, et le bal seul devient l’amant. » Dans ce charmant chapitre, je relèverai une des taches si rares du gracieux opuscule : redoublant sa dernière pensée, l’auteur ajoute que, si l’on vous voit au bal ce soir-là avec plaisir, c’est parce que vous faites partie du bal même, et que vous êtes par conséquent une fraction de la nouvelle conquête : vous êtes une décimale d’amant. […] Xavier de Maistre l’a lui-même remarqué à propos de sa jeune Sibérienne : « L’étude approfondie du monde, dit-il, ramène toujours ceux qui l’ont faite avec fruit à paraître simples et sans prétentions, en sorte que l’on travaille quelquefois longtemps pour arriver au point par où l’on devrait commencer. » Ainsi Hamilton est aisé et simple de goût, comme l’est Voltaire. Le comte Xavier s’en est plutôt tenu, lui, à cette simplicité par où l’on commence, tout en comprenant celle par où l’on finit33.

578. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Les poëtes qui ont commencé par le lyrisme intime, par l’expression de leurs plaintes et de leurs douleurs, ces poëtes, s’ils ont chanté vraiment par sensibilité et selon leur émotion sincère, s’arrêtent dans cette voie à un certain moment, et, au lieu de ressasser sans fin des sentiments sans plus de fraîcheur, et de multiplier autour d’eux, comme par gageure, des échos grossis, ces poëtes se taisent, ou cherchent à produire désormais leur talent dans des sujets extérieurs, dans des compositions impersonnelles. […] Commencé depuis bien des années, laissé ou repris plus d’une fois à travers les occupations d’une vie que les affaires réclament, cet Érostrate était déjà imprimé, et non publié, quand le poëme de M. […] Comme il avait commencé jeune ses courses, les grands astres de la littérature présente n’étaient pas encore tous levés : mais de Loy n’était pas si difficile, il allait visiter le Gardon de Florian, en attendant les autres stations, depuis consacrées. […] Loyson commençait ainsi : Un Ange aux plumes argentées, Au chevet d’un berceau qu’ombrageaient à demi Ses ailes dans les airs mollement agitées, Planait d’un vol léger sur l’enfant endormi.

579. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il vit son père arrêté, il l’allait visiter en bonnet tricolore dans la prison de Thiers, il salua sa délivrance inespérée avec bonheur : la leçon des choses prit le pas dans son esprit sur la lettre des livres ; et, quand son père, profitant d’un premier instant de calme, le conduisit à Paris vers la fin de 95 pour y achever des études commencées surtout par la conversation et dans la famille, le jeune homme avait déjà beaucoup appris. […] Vers le temps de la publication de cet ouvrage, la situation politique de M. de Barante commençait à se dessiner avec distinction. […] Or, cette époque des xive et xve  siècles était précisément la plus riche en chroniques de toutes sortes, et déjà assez française pour qu’en changeant très-peu aux textes, on pût jouir de la saveur et de la naïveté : naïveté relative et d’autant mieux faite pour nous, qu’elle commençait à soupçonner le prix des belles paroles. […] Dacier avait commencé une édition des Chroniques de Froissart, mais qui fut interrompue par la révolution.

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