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1687. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Les circonstances récentes ont fait apparaître dans notre Parlement, en matière d’affaires étrangères, deux partis extrêmes, également dangereux : l’un qui rêve de conquêtes et aime la guerre, soit pour elle-même, soit pour les révolutions qu’elle peut faire naître ; l’autre qui a pour la paix un amour que je ne craindrai pas d’appeler déshonnête, car il a pour unique principe non l’intérêt public, mais le goût du bien-être matériel et la mollesse du cœur. […] et n’était-il pas nécessaire que des voix fermes et indépendantes s’élevassent pour protester au nom de la masse de la nation contre cette faiblesse ; que des hommes qu’aucun lien de parti n’enchaîne encore, qui bien évidemment n’ont ni tendances napoléoniennes ni goûts révolutionnaires, que de pareils hommes vinssent tenir un langage qui relevât et soutînt le cœur de la nation et cherchassent à la retenir dans cette pente énervante89 qui l’entraîne chaque jour davantage vers les jouissances matérielles et les petits plaisirs. […] La Révolution de 1789 est sortie du cerveau et du cœur de la nation ; mais celle-ci a pris en partie naissance dans son estomac, et le goût des jouissances matérielles y a joué un rôle immense. » Ici nous arrêtons l’homme excellent, délicat, généreux, et nous lui disons : Il n’y a rien de plus respectable que l’estomac, et il n’y a pas de cri qui parle plus haut que celui de la misère. […] et les hommes les plus intelligents, les cœurs les plus nobles ne parviendront-ils donc jamais à rompre les cloisons qui les séparent, à respecter les causes également légitimes et sincères dont ils ont en eux le principe et le sentiment !

1688. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Toutes les vertus que possède l’abbé Carron ravissent son cœur, et les qualités même qu’il n’a pas, ses limites du côté des idées du siècle et dans l’ordre de l’intelligence philosophique, lui semblent une vertu de plus, un signe de perfection et d’avancement dans la ligne évangélique. […] Aujourd’hui même je ne saurais penser à la vie tranquille et solitaire des champs, à nos livres, à la Chesnaie, au charme répandu sur tous ces objets, auxquels se rattachent tous mes désirs et toutes mes idées de bonheur ici-bas, sans éprouver un serrement de cœur inexprimable, et quelque chose de ce sentiment qui faisait dire à ce roi dépossédé : Siccine separat amara mors !  […] Bruté, le 28 octobre 1815 : « Reposez-vous sur mon cœur et bien spécialement sur ma conscience du sort de ce bien-aimé Féli ; il ne m’échappera point, l’Église aura ce qui lui appartient. » L’influence personnelle de l’abbé Carron sur La Mennais était trés-secondée et favorisée à ce moment par les circonstances. […] Lui-même le disait à Béranger dans l’épanchement de ses confidences : « Il y en a qui naissent avec une plaie au cœur. » À quoi le malin répondait : « En êtes-vous bien sûr ?

1689. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Cependant les voitures étaient arrivées, et le roi s’était laissé porter dans son carrosse, se plaignant toujours beaucoup de mal de tête, de maux de reins, de maux de cœur. […] Tous les princes, tous les grands officiers arrivèrent ; j’arrivai comme les autres, mais sans beaucoup d’empressement, parce que je voulais voir, avant de partir de Paris, une personne qui me tenait plus au cœur que le roi et toute la Cour, et que par parenthèse je ne vis pas287. […] d’Aumont avait tant à cœur de lui amener, et n’ouvrant la bouche, dans l’état d’affaissement où il était, que pour geindre et parler de lui à la Faculté. […] Lemonnier voyait le roi depuis deux jours avec des maux de reins, de l’affaissement, des maux de cœur ; les quatre autres voyaient depuis midi les symptômes augmentés, et aucun, même en tâtant le pouls, ne s’était douté que la maladie pût être la petite vérole.

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