Mais l’élégance n’est qu’une forme charmante qui cache les laideurs morales et qui ne peut les supprimer, et l’honneur, ce porteur d’épée, coupe bien, comme Alexandre avec son glaive, tous les nœuds gordiens entrelacés dans la conscience ; mais il n’y a que la Religion qui puisse, de ses mains divines, les dénouer. […] Tout ce qu’il y a d’inappuyé, de faible, et même de berquinal dans ce roman — où les fous sont corrigés de leurs folies et les sages de leur sagesse, par l’éducation de l’amour — est sauvé par l’esprit qui y étincelle, qui y flambe, qui y remue, qui y bondit, dans des vivacités charmantes !
Ce résultat exquis et charmant de tant de siècles de christianisme et de monarchie, la société française, a toujours eu de bien autres proportions que les antichambres de Marly en 1662, ou, en 1789, les salons politiques et bourgeois qu’Edmond et Jules de Goncourt nous font traverser… Malheureusement, ces proportions, qu’il fallait chercher, voir et décrire, leur lorgnon parisien, transparent comme le cataplasme de la pauvre mule de Bartholo, n’a pas même l’air de s’en douter. […] On ne l’a point assez remarqué, c’est sous la solive blasonnée du château féodal que la société française est née ; c’est là qu’elle a commencé sa première causerie, cette causerie charmante, cette maîtresse de maison qui faisait si adorablement les honneurs de chez elle à l’univers ensorcelé ; c’est là qu’elle a dit son premier mot et laissé son premier sourire, entre quelque châtelaine oisive, quelque vieux prêtre savant et aimable, et le troubadour qui passait !
Mais, soyons juste, il en joue avec une telle supériorité qu’aux premiers sons qu’il en a tirés il s’est fait suivre, comme le plus charmant des pasteurs, par le troupeau enthousiasmé de Panurge, par tous les petits moutons de la libre pensée. […] Je ne trouve point cela bon, parce que cette mauvaise humeur ferait grimacer le talent le plus charmant, si on l’avait, et qu’elle doit horriblement fausser le regard de l’écrivain quand il s’agit de le promener avec lucidité sur le temps présent, dont on se croit franchement victime.