Pudeur craintive des instants de puberté, pudeur, toute rose devant les roses et les lèvres, défaillances, souffrances voluptueuses qui ne siègent point dans l’âme, mais dont tout l’organisme semble être envahi ; troubles puérils, sommeils lourds, rêves fleuris où chantent, silencieuses, les danses évanouies des temps jadis ; c’est de ces émois-là que Fernand Gregh a composé son livre. […] Gregh chantent à mi-voix et racontent volontiers des souvenirs d’enfance quasi éteints et très exquis.
Et encore L’Aumône et cette courte pièce : Au temps des mûres, ils ont chanté Mes lèvres qui cèdent Et mes longs cheveux, tièdes Comme une pluie d’été. Au temps des vignes, ils ont chanté Mes yeux entreclos qui rayonnent, Mes yeux alanguis et voilés Comme des ciels d’automne.
La Justice, le Bonheur, les deux plus hautes aspirations de l’âme humaine, et dont la Nature semble s’inquiéter le moins, voilà ce qu’il a chanté, — et parfois un peu trop étudié en vers. […] C’est avec la plus parfaite ingénuité que le poète tente de faire rentrer dans son art, outre l’esprit, la lettre aussi de toute chose, oubliant qu’il n’est pas plus naturel de tout dire en vers que de tout chanter. […] Le vers ne peut donner sa forme et son rythme à la pensée que lorsque celle-ci vibre et chante. […] Quand les trois Nornes, assises sur les racines du frêne Yggrasill, symbole du monde, élèvent leurs voix tour à tour, la première chante le passé, car elle est la vieille Urda, « l’éternel souvenir », la seconde chante le présent solennel, le jour heureux et fécond où le juste est né : Ce fruit sacré, désir des siècles, vient d’éclore. […] Coppée l’a compris et, à son tour, il chante les Humbles.