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651. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

madame, reprit Bernardin de Saint-Pierre, vous avez beau vouloir me prendre par mes propres paroles, je n’ai jamais dit qu’un rossignol dût chanter comme un merle ; je ne changerai donc ni de religion ni de ramage. » La négociation en demeura là. […] « Si je lis donc à la tribune de l’Institut mon rapport sur les mémoires du concours, j’y serai sans doute l’interprète de vos jugements ; mais je ne changerai rien à sa péroraison. […] Il lui suffisait d’apprendre à sa patrie que ses opinions ne changeaient point avec les circonstances, et qu’il était resté immuable au milieu des bouleversements du siècle. […] Que savez-vous si, dans une colonie qui change si souvent d’administrateurs, vous aurez souvent des la Bourdonnais ? […] Mon fils, voyez que tout change sur la terre, et que rien ne s’y perd.

652. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

On ne l’a point fait changer de religion. […] Les Turcs s’y mêlent par le pacha d’Acalziké, qui intervient et change par ses forces les dynasties et les bornes de ces royaumes. […] Le roi Abbas II étant mort en son absence, toutes ses espérances de fortune étaient mortes avec lui, la cour avait changé de goût. […] La cour était fort changée de ce que je l’avais vue à mon premier voyage, et dans une grande confusion. […] On me disait que les murs partout étaient couverts de cette manière ; et il faut observer que de temps en temps on change l’argent en ducats, le seul or qui vienne en Perse.

653. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Homme tout oriental comme son île, et nullement homme européen de son siècle, tout son rôle semblait être de déplacer violemment la révolution de son centre, de changer le courant des idées en courant de conquêtes, et de faire une longue diversion à la philosophie et à la liberté pour faire oublier à la France sa mission et à l’Europe sa régénération par la pensée libre. […] Tu n’as donc pas quitté ce port de ton bonheur ; Ce soleil du matin qui réjouit ton cœur, Comme un arbre au rocher fixé par sa racine, Te retrouve toujours sur la même colline ; Nul adieu n’attrista le seuil de ta maison, Jamais, jamais tes yeux n’ont changé d’horizon, L’arbre de ton aïeul, l’arbre qui t’a vu naître N’a jamais reverdi sans ombrager son maître ; Jamais le voyageur en voyant du chemin Ta demeure fermée aux rayons du matin, Trouvant l’herbe grandie, ou le sentier plus rude, N’a demandé, surpris de cette solitude, Sur quels bords étrangers, dans quels lointains séjours Le vent de l’inconstance avait poussé tes jours. […] Nous n’avons guère changé depuis. […] Puis tout à coup il a changé de plume, comme on change d’outil sur l’établi du lapidaire, selon qu’on veut graver sur l’onyx en lettres illisibles ou en lettres majuscules, et il a écrit alors dans un style simple, clair, solide, tantôt en creux, tantôt en relief, sur la vie et les œuvres des hommes et des femmes de lettres, des Études qui élèvent la critique littéraire presque à la hauteur de l’histoire. […] XXXIV C’est dans le cours de ces dernières années de la restauration et de ces premières années du règne illettré de 1830 que je fus ébloui ou attiré tour à tour par cette foule de noms éclatants où s’égarent les souvenirs, tant l’esprit, le talent, le génie, y font foule : Casimir Delavigne ; Augustin Thierry ; Michelet, le Shakespeare du récit, qui introduit la comédie dans l’histoire ; Rémusat ; Mignet ; Alexandre Soumet ; Aimé-Martin, qui aurait mérité la gloire par sa passion des lettres ; Henri Martin, qui change les chroniques en histoire ; les deux Deschamps ; Ozanam, qui traduisait la métaphysique du Dante ; Boulay-Paty, qui traduisait l’amour et le platonisme de Pétrarque ; Musset, le Corrège du coloris sur les dessins trop voluptueux de l’Albane ; Alphonse Karr, le Sterne du bon sens et du bon cœur ; Méry et Barthélemy, deux improvisateurs en bronze qui ont fait faire à la langue des miracles de prosodie ; Laprade, qui donne à la poésie religieuse et philosophique la sérénité splendide des marbres de Phidias ; Autran, qui chante la mer comme un Phocéen et la campagne comme Hésiode ; Lacretelle l’historien, qui devint poète avec les années sous les arbres de son jardin voisin du mien, comme le bois de l’instrument à corde qui devient plus sonore et plus harmonieux en vieillissant ; Ségur, le poète épique de la campagne de Russie ; Dargaud, le second Ronsard de Marie Stuart ; Barbier, dont l’ïambe vengeur, en 1830, dépasse en virilité l’ïambe d’André Chénier à l’échafaud ; Saint-Marc Girardin, un de ces esprits délicats qui se trempent au feu des révolutions et qui passent de plain-pied d’une chaire à une tribune, transportant l’homme de lettres dans l’homme politique et l’homme politique dans l’homme de lettres en les grandissant tous les deux ; une foule d’autres, dont je n’ai pas le droit de parler parce que je ne les ai connus que par leurs noms, ou que j’ai trop aimés pour que j’en parle sans partialité !

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