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458. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Il n’était pas non plus de ceux qui, en effet, sont restés et n’ont jamais cessé d’être jeunes d’esprit, de vivacité, de goûts, comme on l’a dit du prince de Ligne, qui semblait avoir toujours ses vingt ans. […] J’avais seulement une vingtaine de bons livres que je relisais sans cesse, comme Le Spectacle de la nature (de Pluche), Batteux, quelques poètes allemands, latins et français, surtout les œuvres philosophiques de Cicéron. […] Il trouva moyen d’y conserver sa liberté d’études, sa spontanéité d’éducation. « Le peu de leçons qu’on me donnait, dit-il, n’avaient pas d’attrait pour moi ; mais, comme on me voyait sans cesse occupé et que ma conduite était irréprochable, on me laissait faire ».

459. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Rencontre d’un site assez remarquable pour sa sauvagerie : le chemin descend par une pente subite dans un petit ravin où coule un petit ruisseau sur un fond d’ardoise, qui donne à ses eaux une couleur noirâtre, désagréable d’abord, mais qui cesse de l’être quand on a observé son harmonie avec les troncs noirs des vieux chênes, la sombre verdure des lierres, et son contraste avec les jambes blanches et lisses des bouleaux. […] Et le moment où tout ce qui d’abord n’était que fleur sans feuille n’est plus que germe et feuillage, où les amours des végétaux ont cessé, et où la nutrition du fruit commence : 22 mai. — Il n’y a plus de fleurs aux arbres. […] Comme cette Cybèle de l’hymne homérique qui se présenta d’abord à de jeunes filles assises au bord du chemin, sous le déguisement d’une vieille femme stérile, et qui ensuite redevint soudainement la féconde et glorieuse déesse, la nature bretonne finit par livrer à Guérin tout ce qu’elle contient : s’il l’a méconnue un moment, il s’en repent vite, et elle lui pardonne ; elle cesse de paraître ingrate à ses yeux, elle redevient aussi belle qu’elle peut l’être : la lande elle-même s’anime, se revêt pour lui, dans ses moindres accidents, de je ne sais quel charme.

460. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Observateur philosophe, il a pourtant un défaut marqué dans ces lettres sur la France, qu’il a retouchées après coup plus que les premières : il y raisonne trop, il disserte ; il distingue sans cesse entre le bon et le beau. […] S’il avait vécu un siècle plus tard, M. de Muralt aurait vu que la louange, tout en se perpétuant et se renouvelant sans cesse au sein de l’Académie, s’est parfois assaisonnée de malice ; le double penchant de la nation s’est trouvé ainsi combiné et satisfait, et les mêmes hommes qui savent si bien se louer en face, quand ils veulent, sont souvent aussi ceux qui raillent le mieux, là et ailleurs, et qui frondent. […] Il y a dans le caractère génevois une tendance assez forte à reformer sans cesse des exclusions ou des restrictions, des orthodoxies et des sectes, à replacer des barrières : ne vous mettez pas en peine, il y aura toujours assez de ces apartés de société à Genève, fût-elle par sa constitution la plus démocratique des cités, fût-elle par son courant habituel la plus cosmopolite des villes.

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