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368. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Collaborateur de la Revue des Deux Mondes depuis 1836, il ne cessa d’y donner des articles excellents où sa littérature, toujours forte, s’animait et s’ornait davantage. […] Littré comme médecin, quoiqu’il n’ait cessé de produire dans cette voie : le Dictionnaire, connu dans le monde médical sous le nom courant de Dictionnaire en 30, est rempli de ses excellents articles. […] Il n’a cessé d’y adhérer depuis, nonobstant toutes les objections des choses et des hommes, au milieu de toutes les épreuves intellectuelles et autres ; il n’a cessé d’y voir une méthode applicable à tout et comme une clef ou un outil qui, bien manié, est universel. […] Les convictions, dans ces âmes si fermes, si ardentes sous leur apparente froideur, ne se comportent pas comme les simples opinions dans les âmes ordinaires et communes, ou distinguées, mais tièdes ; elles ne flottent pas, elles mordent à fond ; elles sont sujettes à une entière fixité et adhérence ; une fois qu’elles prennent, elles ne cessent plus. […] Comment avait-on cessé, à un certain moment, de parler l’ancien latin dans les pays de domination romaine et dans la Gaule en particulier ?

369. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Cette méthode présente, dans l’application, des difficultés considérables et sans cesse renaissantes, parce qu’elle exige, pour la solution de chaque nouveau problème, un effort entièrement nouveau. […] C’est que l’espace nous est extérieur, par définition ; c’est qu’une partie d’espace nous paraît subsister lors même que nous cessons de nous occuper d’elle. […] Comme d’ailleurs elle ne cesse jamais d’être espace, elle implique toujours juxtaposition et par conséquent division possible. […] Notre perception dessine, en quelque sorte, la forme de leur résidu ; elle les termine au point où s’arrête notre action possible sur eux et où ils cessent, par conséquent, d’intéresser nos besoins. […] Répondre à une action subie par une réaction immédiate qui en emboîte le rythme et se continue dans la même durée, être dans le présent, et dans un présent qui recommence sans cesse, voilà la loi fondamentale de la matière : en cela consiste la nécessité.

370. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Saint-Martin, connu et abordé de la sorte, cesse tout à fait d’être dangereux ; il n’est plus même très imposant, mais il devient presque toujours plus touchant et plus aimable. […] Il remarque que ce n’est pas tout à fait une illusion à la première jeunesse de croire ainsi que l’âge mûr, par rapport à elle, est déjà vieux et doit se comporter comme tel : ce sont nos vanités, nos amours-propres, nos passions acquises et déjà tournées en vices, qui le plus souvent prolongent les légèretés d’un âge dans un autre ; le coup d’œil plus pur de la jeunesse ne s’y trompe pas, en nous montrant ces séductions premières comme devant cesser plus tôt et ne pas abuser l’homme plus longtemps. […] Ce n’était pas, comme l’avait été Vauvenargues, un jeune stoïque croyant fermement aux vérités morales et se fondant sur les points élevés de la conscience pour fuir le mal et pour pratiquer le bien, ce n’était point une âme héroïque condamnée par le sort à la souffrance et à la gêne de l’inaction : c’était une âme tendre, timide, ardente, pleine de désirs pieux et fervents, inhabile au monde et à ces scènes changeantes où elle ne voyait que des échelons et des figures, avide de se fondre dans l’esprit divin qui remplit tout, de frayer sans cesse avec Dieu, de le faire passer et parler en soi, une âme née pour être de la famille des chastes et des saints, de l’ordre des pieux acolytes, et à qui il ne manquait que son grand-prêtre. […] Tout en admettant sans contrôle et sans critique le merveilleux qui faisait le fond et l’attrait de ce genre d’opérations, Saint-Martin, plus tourné au moral, ne se livrait pas sans réserve à des procédés où la curiosité s’irritait sans cesse et où le cœur profitait si peu ; et lorsqu’en 1792, à Strasbourg, il lui fut donné auprès d’une amie, Mme Boechlin, de connaître les ouvrages allemands de Jacob Boehm, qu’il appelle le Prince des philosophes divins, il crut pouvoir renoncer absolument à toute cette physique périlleuse et pleine de pièges, pour ne plus cultiver que la méditation intérieure.

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