Elle s’ennuie ; elle se juge, et plus sévèrement qu’on ne le lui demande ; elle se défie des autres et surtout d’elle-même ; elle ne croit pas possible qu’on l’aime véritablement, elle admet tout au plus qu’on la supporte : « Je ne puis que vous être à charge, répète-t-elle sans cesse à Mme de Choiseul, qui voudrait la posséder à Chanteloup ; je ne puis contribuer au plaisir, à l’amusement ; je ne devrai qu’à vos vertus, tranchons le mot, à votre compassion, de me souffrir auprès de vous ! […] Curieuse sans intérêt, avide de nouveau sans espoir de mieux, dégoûtée sans cesser d’être agitée, Mme du Deffand écrivait un jour à Mme de Choiseul : « Que dites-vous du nouveau ministre (M. de Saint-Germain) ?
Il ne cessera de l’être, cet âne d’épaisse et malencontreuse encolure, et ne reprendra sa première forme que lorsqu’il aura mangé des roses ; c’est le seul remède. […] On peut juger de son désespoir ; les brigands ont beau la rassurer et lui promettre tous les égards possibles, ne désirant tirer de leur capture qu’une bonne rançon, elle ne cesse de gémir et de crier.
C’est une remarque qui se vérifie sans cesse et qui peut se poser comme une règle générale : dans l’art aussi, chaque dévot a son saint, et chaque saint trouve ses dévots. […] Il te faut encore, et c’est là le plus beau triomphe, il te faut, tout en étant observée et respectée, je ne sais quoi qui t’accomplisse et qui t’achève, qui te rectifie sans te fausser, qui t’élève sans te faire perdre terre, qui te donne tout l’esprit que tu peux avoir sans cesser un moment de paraître naturelle, qui te laisse reconnaissable à tous, mais plus lumineuse que dans l’ordinaire de la vie, plus adorable et plus belle, — ce qu’on appelle l’idéal enfin.